Les deux principaux syndicats de magistrats ont dénoncé vendredi la création, dans le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, de "bunkers" ou de "citadelles d'impunités" à l'abri des juges, grâce à l'extension du "secret défense" à des lieux entiers, et non plus seulement des documents.
"Alors qu'en l'état du droit, seuls des documents peuvent être classifiés, le projet de loi prévoit de protéger des lieux entiers" en son chapitre VI, écrit dans un communiqué le Syndicat de la Magistrature (SM, gauche) pour qui ce texte vise "à la fois à étendre le champ du secret-défense et à limiter drastiquement les pouvoirs d'enquête des juges d'instruction".
"C'est un nouvelle étape dans la reprise en main des juges par le pouvoir politique", a affirmé à l'AFP Laurent Bedouet, secrétaire général de l'Union Syndicale des Magistrats (USM, majoritaire).
"Le gouvernement sort l'artillerie lourde pour entraver, voire neutraliser, le travail des quelques magistrats qui sont encore en mesure d'enquêter sur des dossiers gênants", pense le SM.
- Pour le syndicat, ce projet "a été conçu à la suite d'investigations qui ont semé l'émoi dans les milieux politiques et militaires : l'instruction de l'affaire des frégates de Taiwan, la perquisition entreprise à l'Elysée dans l'affaire Borrel et surtout celle effectuée dans l'affaire Clearstream au siège de la DGSE" (Direction Générale de la Sécurité Extérieure)."
- "C'est un texte inédit et scandaleux à la constitutionnalité douteuse", dit Laurent Bedouet, dont le syndicat a rencontré le Ministre de la Défense Hervé Morin pour l'alerter.
- Le texte, précise le SM, veut protéger des endroits "déclarés" comme étant "susceptibles d'abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale", une formule que le syndicat juge "extrêmement vague".
- Quant aux zones concernées, "tout aussi indéfinies, l'exposé des motifs précise qu'il pourrait s'agir notamment de "locaux d'entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche ou de la défense", dit le SM, pour qui des grands groupes industriels comme "Monsanto, Thales ou Areva pourraient bénéficier d'une protection globale".
- "Pire", ajoute le SM, le projet prévoit la possibilité de classifier des lieux, en raison de ses "installations" ou "activités" sans autre précision.
- Avant de perquisitionner, le juge d'instruction devrait prendre rendez-vous avec le président de la Commission Consultative du Secret de la Défense Nationale (CCSDN) pour qu'il l'accompagne lors de ses opérations. Surtout, "il aura l'obligation d'indiquer par écrit les motifs de la perquisition et les documents recherchés", s'indigne le SM.
- Pour perquisitionner, le juge devrait "aussi obtenir une décision de déclassification préalable. Or, cette décision sera prise par le pouvoir exécutif lui-même", ajoute-t-il.
AFP
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