Le vote de la loi sur la réforme des retraites a donné lieu pendant deux jours à une belle démonstration de l’impasse dans laquelle l’Assemblée nationale s’enfonce jour après jour.
A qui la faute ?
Au nouveau règlement qui régit le travail des 577 députés depuis la révision constitutionnelle de 2008.
Mais aussi sans doute à son président, le député de Haute-Savoie Bernard Accoyer, présenté comme « le plus mauvais Président que l’on ai jamais eu » par le villepiniste Jean-Pierre Grand, mais aussi par la quasi totalité des députés. Au point que de débats vidés de tout sens, en coups d’éclats factices, on en vient de plus en plus à se demander à quoi sert l’Assemblée nationale.
Règlement : Donc mercredi 15, la fin du débat sur les retraites nous a donné le spectacle d’une opposition cherchant tous les moyens possibles pour faire durer son temps de parole. Histoire d’essayer de repousser le vote des députés sur la réforme des retraites après, pourquoi pas, la grande manif du 23 septembre. Raté. Bernard Accoyer, a coupé le sifflet arbitrairement aux députés socialistes, histoire de préserver son vote du 15 septembre, à 15 heures. Comme un mauvais « chef de gare », donc selon le mot de Jean-Marc Ayrault, le patron des députés socialistes.
Première remarque, on le sait, dans les règlements il y a la lettre et l’esprit. Un coup on joue l’un, une fois l’autre. En fonction des circonstances, c’est le sens politique, l’habileté et l’autorité de celui qui fait appliquer les règles qui permet de faire accepter les décisions. Ici Accoyer s’est juste collé tout le monde à dos. Les socialistes, qui avaient tenu toute la nuit avec leur artifice, mais coincés sur la ligne d’arrivée, une fois que sans doute l’Elysée à jugé que le petit jeu avait assez duré. Mais aussi la majorité, qui se serait bien passée sans doute d’un tel cinéma mercredi après-midi. Et se rend compte elle même, que siéger, ne sert malheureusement plus à grand chose...
Cinéma : Grand spectacle mercredi, que celui de députés à bout. Des députés de l’opposition arrivant dans l’hémicycle arrivant ceints de leur écharpe tricolore. Les insultes des uns, répondants aux cris des autres. Dans une confusion invraisemblable. Accoyer a bien essayé au début de la séance de l’après-midi de redresser la barre en appelant à « la sérénité des débats » à la « dignité de l’Assemblée », qu’il avait baptisé quelques jours avant la « maison du dialogue. »
Mais de quel dialogue parle-t-on, dans la mesure ou tout est écrit à l’avance ?
Scénario : Tout est écrit à l’avance, ben oui. Aujourd’hui, grâce à la merveilleuse invention du temps partagé, on sait dès le début d’un débat, quand il commence et quand il sera terminé. Chaque groupe politique sait le nombre d'heures dont il bénéficiera pour s'exprimer sur un texte, à la minute près. D'ailleurs, au début d'une discussion, c'est toujours cocasse de voir le président de séance annoncer UMP: 5h 40, SRC 3h 30 etc. Un vrai indicateur des chemins de fer... Les votes évidemment, sauf accidents industriels, sont sans surprise.
Le texte qui est discuté par les députés en séance publique a été travaillé et retravaillé dans les commissions, où il est examiné avant. Généralement à huis clos, loin du regard de la presse.
On diminue certes l’obstruction parlementaire (genre je lis la Bible pendant 9 heures pour torpiller le Pacs, ou je dépose plus de 10 000 amendements pour pourrir une loi.)
Mais vu l’utilisation de ce nouveau règlement faite par le président de l’Assemblée, on tue le Parlement. Surtout quand on ajoute que les lois sont écrites à l'Elysée et que les ministres font de la figuration.
Rebondissements : Alors comment continuer à attirer la presse ? Comment faire vivre l’opposition et le débat démocratique ?
Deux solutions : le règne de la petite phrase balancée aux journalistes aux Quatre colonnes, cet endroit où se retrouvent à la sortie de l’hémicycle les députés et la presse. Ou le happening, façon « Parlement européen », comme l’explique un responsable socialiste. Et que je brandis une pancarte en séance pour faire des images aux 20 heures, et que j’enfile mon écharpe tricolore pour montrer mon mécontentement, et que je vais déposer en plein débat des milliers de pétitions sur le pupitre du Premier ministre.
Le règne de l’incident. On me rétorquera, c’est vieux comme le monde. Sans doute.
Ce qui est nouveau, c’est qu’aujourd’hui l’Assemblée est une chambre d’enregistrement d’un côté. Un espace de protestation de petite (basse?) politique devant la presse de l’autre. Entre les deux, plus guère de lien. Et la proximité de la présidentielle ne va rien arranger. M’est avis que Bernard Accoyer qui avait la tête de Marie-Antoinette montant à l’échafaud, quand il est allé présider la séance de mercredi après-midi, passant au milieu des gardes républicains en grand apparat, n’en a pas fini avec son (petit) martyr. »
A lire dans son intégralité et son contexte (lepost.fr)
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