« En ces temps d'incertitude économique, il y a malheureusement une certitude : en juin 2012, le bilan économique de dix années de pouvoir de droite tiendra en trois mots : une explosion de la dette, une explosion du chômage et une explosion des inégalités.
Une explosion de la dette. En dix ans la dette de la France aura doublé, passant de moins de 900 milliards d'euros en juin 2002, à 1 800 milliards en juin 2012, selon les propres prévisions de Bercy. Et les seuls intérêts de cette dette représenteront chaque année plus que le montant du déficit annuel des régimes de retraites.
L'explosion du chômage. Le gouvernement en rejette toute la responsabilité sur la crise. Mais l'Allemagne avait le même taux de chômage que la France avant la crise, début 2008. Elle a autant souffert que nous, mais son chômage n'a pas augmenté, alors que nous avons aujourd'hui en France 600 000 chômeurs de plus.L'explosion des inégalités. Ce creusement des inégalités est en partie la conséquence de trente ans de mondialisation libérale. Mais ce qui caractérise notre pays, c'est que toute la politique fiscale de ces dernières années aura consisté les accentuer. Cette politique se résume, quand l'économie va bien, a faire des cadeaux fiscaux à crédit pour les plus fortunés de nos concitoyens et, quand elle va mal, à faire payer tous les Français. Pas tous d'ailleurs, puisque les bénéficiaires du bouclier fiscal continueront à percevoir les chèques exorbitants que leur reverse l'Etat à ce titre.
Cette politique a conduit a un impôt sur le revenu qui s'est réduit comme une peau de chagrin et qui est tellement mité par les niches fiscales - notamment sur les revenus du capital -, que plus on monte dans l'échelle des très hauts revenus, plus l'impôt baisse en proportion du revenu. Pour les 10 plus hauts revenus, le taux moyen n'est pas 40 %, mais de moins de 20 %.
La même situation se retrouve en matière d'imposition des entreprises : plus l'entreprise est grande et moins elle paye d'impôt. Dans les PME, le taux effectif est proche de 30 % ; dans les grandes il tombe à 13 % pour les entreprises de plus de 2000 salariés et à 8 % pour celles du CAC40.
Nous aurons besoin d'une réforme fiscale majeure pour rétablir la justice fiscale. Elle reposera sur un principe simple : l'impôt doit traiter de la même façon les revenus du capital et du travail, alors qu'aujourd'hui, les revenus du capital échappent très largement à l'impôt progressif. Quel paradoxe qu'un président qui passe son temps à tenir de grands discours sur la taxation des transactions financières dans les sommets internationaux et qui la refuse systématiquement dans notre pays.
Il faut en finir avec la fiction selon laquelle la moitié de nos concitoyens ne payeraient pas d'impôt sur leur revenu (IR) : tout le monde paye la CSG qui est aujourd'hui plus lourde de l'IR et n'est pas progressive. En fusionnant l'IR et la CSG, en les débarrassant des niches fiscales et en retenant le meilleur des deux - la progressivité de l'IR et l'assiette large de la CSG -, on peut mettre en place un impôt sur le revenu digne de ce nom : plus clair, plus simple, plus juste parce que plus large et plus progressif.
Cela suppose une révision générale des niches fiscales et non un "rabot" qui met de coté les niches les plus scandaleuses, comme la niche Copé ou le bouclier fiscal. Ce rabotage n'est qu'un coup de lime à ongle quand il s'agit des revenus du capital, mais il devient un coup de serpe quand il concerne des impôts indirects qui touchent tout le monde et notamment les jeunes, comme la TVA sur le triple play.
Il faudra aussi moderniser notre imposition du patrimoine qui est indispensable à la fois pour des raisons de justice fiscale - le patrimoine est une faculté contributive - et d'efficacité économique - l'impôt est une incitation à sa rentabilisation.
Quant à la réduction indispensable des déficits, la question n'est pas les discours, mais les actes.
Voilà un gouvernement qui n'aura respecté aucune des règles existantes de finances publiques, ni les 3 % de déficit, ni les 60 % de dette, ni même les règles qu'il a fait lui-même voter, et qu'il prétend inscrire dans la Constitution pour ses successeurs, des principes qu'il a violé tous les jours. La réduction des déficits, n'est pas une question de règles, mais de volonté politique. Car quand la gauche était au pouvoir, ce n'était pas comme aujourd'hui un déficit de presque 8 % du PIB, mais un déficit excessif en 1997 que nous avions ramené à 1,5 % du PIB en 2001. Ce n'était pas une dette qui a doublé comme aujourd'hui, mais une dette que nous avions ramenée en dessous de 60 % du PIB en 2002, alors même qu'elle dépassait, déjà, pour la première fois ce seuil, à la fin du gouvernement Juppé. Ce n'étaient pas des comptes sociaux à la dérive comme aujourd'hui, mais des comptes sociaux en excédents.A rebours de tout ce que proclament les libéraux, ce qui fait la compétitivité d'une nation et caractérise le développement, c'est très largement l'efficacité du secteur non marchand ou du moins socialisé : le système de santé et de protection sociale, l'éducation, la recherche, le financement des grandes infrastructures. En ces temps de mondialisation, on peut reproduire partout dans le monde une usine intégrant les développements technologiques les plus récents. Mais pour qu'elle fonctionne efficacement, encore faut il avoir l'environnement que constitue un système de formation performant, des infrastructures solides, un secteur de la recherche efficace.
La solidarité est un puissant facteur d'efficacité économique parce qu'elle crée la confiance indispensable à une économie de marché et qu'elle permet à chacun de prendre des risques en sachant que la société ne laissera personne au bord du chemin.
Et si nous socialistes, parlons d'impôt citoyen, c'est, bien sur, en pensant à la justice fiscale, mais aussi au financement des services publics essentiels qui constituent l'essence même d'une société développée.
Pour lire cet article dans son contexte
Dernier ouvrage publié par Pierre-Alain Muet : "Fiscalité = Choix de société", 2 tomes (avril 2010), à la Fondation Jean Jaurès.
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