« Combattre la délinquance, c'est nettement moins simple qu'un coup de fil. Brice Hortefeux semble pourtant croire le contraire. Pour présenter ces derniers chiffres sur la délinquance, le ministre de l'Intérieur a lancé un grand plan de communication : interview sur TF1 (le jour même où des chiffres « fuitent » à l’AFP), au Figaro et conférence de presse au ministère ce vendredi.
Le tout pour donner une présentation très optimiste de l'état de l'insécurité en France. Sur TF1, Brice Hortefeux a parlé d'« une baisse de la délinquance globale » par rapport à 2009 selon les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Dans le Figaro, le ministre a donné le chiffre de 2,1%. Une donnée un peu plus optimiste que le chiffre de Nicolas Sarkozy qui annonçait le 1er janvier une baisse « de près de 3% ». Un biais qui n'a pas empêché Brice Hortefeux de se montrer triomphaliste. Sur TF1, il a même présenté un joli graphique pour montrer que cette baisse globale serait continue depuis l'arrivée de la droite aux affaires en 2002.
Ce chiffre global oublie toutefois un élément important. Les violences contre les personnes sont en hausse de 2,5% après une hausse de 2,8% en 2009. Mais Brice Hortefeux a donné une explication dans Le Figaro : « Le phénomène des violences est désormais circonscrit géographiquement: sur 90% du territoire, les violences sont même en baisse ». La hausse de ces violences aurait donc une cause bien précise : « Des difficultés subsistent en Ile-de-France notamment en raison des vols de téléphones portables qui sont à l'origine des deux tiers des vols avec violences dans les transports en commun ».
La question des vols de portables avait déjà émergé dans l'actualité en décembre suite à une agression ayant causé un mort dans le métro parisien. Au moment de l'affaire, Le Figaro avait publié des chiffres très détaillés sur la hausse des vols avec violence dans les transports publics d'Île-de-France avec un bond de 39,3% par rapport à 2009. 50,3% de ces vols ont été commis dans Paris intra-muros et 27,3% des objets dérobés étaient des iPhones, le quotidien de Serge de Dassault a décidément des sources très fiables.
Combien de fausses plaintes de vol de portables ?
Mais il faut prendre ces chiffres avec des pincettes. En septembre, la préfecture de police de Paris annonçait que 30% des plaintes pour vol de portable enregistrées chez elle étaient fausses. Pour une raison très simple : un étourdi perd son téléphone et dépose une fausse plainte pour « vol avec violences » pour pouvoir être assuré. Une filouterie que n'a bien sûr pas rappelée Brice Hortefeux.
Car il a un intérêt bien particulier dans l'affaire : dramatiser un problème pour masquer tous les autres et mieux vendre sa solution miracle. Quand certains cassent le thermomètre pour faire tomber la fièvre, lui prend la température d'un patient soi-disant malade. En cela, il a d'abord expliqué sur TF1 que la solution venait de « mesures techniques ». Il a fait passer un amendement à la Loppsi 2 rendant automatique le blocage du téléphone en lui-même et non plus de la seule carte SIM. « Cela diminuera de beaucoup l'intérêt de voler un téléphone », a argué le ministre. Il a donné l'exemple des autoradios dont les vols auraient diminués, selon lui, grâce au développement de mesures anti-vol : codes, façade détachable...
Hortefeux ne comprend pas les délinquants
Une déclaration qui montre que le ministre est non seulement incapable de gérer la délinquance mais aussi incapable de comprendre les délinquants. La logique du vol n'est pas seulement technologique, elle est aussi économique. Si on vole des iPhones, c'est parce que le marché du recel est rentable. A l'inverse, les autoradios sont généralisés en série sur les automobiles, la revente en devient donc moins attractive. Les voleurs à la roulotte (qui dérobent des objets dans des véhicules) se sont alors lancés dans le vol de GPS dans l'attente d'un nouveau marché. Les vols de métaux correspondent à la même logique pécuniaire.
La solution contre les trafics en tous genres réside donc plus dans le démantèlement de l'économie souterraine que dans une approche technologique. Mais faire voter des amendements ne coûte rien, à l'inverse de renforcer les moyens de la police pour lutter contre les réseaux. Deux mille postes de gardiens de la paix et 900 emplois de gendarmes ont été supprimés pour 2011. Pour lutter contre l'insécurité, Brice Hortefeux compte visiblement plus sur le professeur Tournesol que sur les Dupont et Dupond."
A lire dans son contexte et son intégralité (mzrianne2.fr/Tefy Andriamanana)
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