Une rustine après un couac constitutionnel !
Le 6 octobre, le Conseil constitutionnel avait annulé l’article 45 du Code des postes et des communications électroniques. Cet article, fondamental, confiait à l’AFNIC le soin de gérer les noms de domaines .Fr. Une rustine législative vient corriger cette annulation. Elle avait été déposée sous forme d’amendement en Commission par le député Lionel Tardy, puis ajouté au projet de loi sur le Paquet Télécom (examiné en urgence). Cette rustine est diffusée par l’Assemblée nationale sur cette page.
Saisi d’une question de constitutionnalité, le Conseil avait estimé début octobre que l’article L45 recelait un cas « d’incompétence négative ». Un bug juridique interdit quand une loi confie trop de pouvoir au décret. Le texte confiait en effet au gouvernement le soin de définir tout l’éventail des règles entourant la gestion des .FR. Problème : cette délégation était interdite en ce qu’elle touche un droit ou une liberté fondamentale, ici la liberté d’entreprendre et celle de communication.
« En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne, l’encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix et de l’usage des noms de domaine sur internet affecte la liberté de communication et la liberté d’entreprendre »
Corriger une incompétence négative
Ainsi, « le Conseil a estimé que l’encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix et de l’usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d’entreprendre » expliquaient les Cahiers du Conseil, qui commentent la décision. « Le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence quant à la détermination des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ».
Le juge constitutionnel avait cependant décalé jusqu’au 1er juillet 2011 sa décision pour éviter de bouleverser le secteur des noms de domaine. A défaut, quiconque aurait pu dénoncer la validité de l’enregistrement d’un nom de domaine en France, nous indiquait Cédric Manara, juriste et professeur de droit à l’EDHEC Business School.
Nouvelle rédaction plus précise
Cette rustine législative a donc été enregistrée sur le bureau de l’Assemblée en vue d’une nouvelle rédaction de l’article L.45. La nouvelle rédaction est maintenant bien plus précise, et détaillée.
Un exemple : on précise par exemple qu’« au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet correspondant au territoire national, l’enregistrement des noms de domaine ne peut être limité que dans la mesure requise par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, par la sauvegarde de l’ordre public, par la protection des noms réservés aux pouvoirs publics et par les contraintes techniques inhérentes au système de nommage Internet. »
L’ancienne rédaction n’évoquait que « l'intérêt général », « des règles non discriminatoires » et le respect « des droits de la propriété intellectuelle ».
Nom de domaine et échéance électorale
Le texte remonte en fait d’un cran le décret du 7 juillet 2007 portant application de l’article L45. Est indiqué maintenant dès ce niveau législatif le régime de protection des noms de la République française, ses institutions nationales et ses services publics nationaux, etc. Alors que 2012 approche, il est spécifié aussi que « le nom d’un titulaire d’un mandat électoral, associé à des mots faisant référence à ses fonctions électives, peut uniquement être enregistré par cet élu comme nom de domaine au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’Internet correspondant au territoire national. » La proposition organise aussi la question des noms de domaines de sociétés, associations, les domaines identiques à un nom patronymique, etc.
Enfin, le texte sacralise une procédure pour orchestrer les éventuels conflits d’attribution ; « pendant un délai de deux mois suivant l’enregistrement d’un nom de domaine, toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander la suppression de cet enregistrement auprès de l’office d’enregistrement compétent ». Après la réception d’une telle demande de suppression s’ouvrira un délai de deux mois durant lequel l’office chargé du nom de domaine statue selon une procédure contradictoire.
Une procédure...cavalière ?
On soulignera enfin que le texte s’inscrit dans un projet de loi dédié à la transposition des directives sur le Paquets Télécom. Lors des débats en commission, le député Christophe Caresche a critiqué la manœuvre : « Nous sommes perplexes car l’amendement n’a pas de lien direct avec la transposition des directives du troisième « Paquet télécoms » et constitue, nous semble-t-il, un cavalier. Je ne suis pas certain que l’on adopte la bonne méthode pour tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel ».
Le texte sera examiné par les députés les 12 et 13 janvier prochains.
A lire dans son contexte (pcinpact.com/marc rees)
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