Un juge d’instruction enquête depuis le 15 février sur l’étrange accord qui liait la présidence à l’actionnaire de Publifact.
Les services de l’Elysée et Patrick Buisson, actionnaire principal de la société de conseil Publifact, vont devoir expliquer à Serge Tournaire, juge du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, pourquoi une convention signée entre eux en 2007 pour de nombreuses études d’opinion a été passée sans le moindre appel d’offres. Un «délit de favoritisme», estime l’association Anticor, à l’origine de la plainte avec constitution de partie civile.
Dans son rapport sur le budget 2008 de l’Elysée, la Cour des comptes épingle cette convention. Les magistrats s’étonnent aussi du «caractère non seulement très succinct de la convention (une seule page), mais également exorbitant». La note : près d’1,5 million d’euros en 2008, répartis entre un versement mensuel de 10 000 euros net pour du «conseil» et le reste pour des sondages achetés très peu cher à des instituts et revendus à des prix ahurissants à l’Elysée d’autant plus, qu’aucun bon de commande n’était émis.
Patrick Buisson, ancien journaliste de LCI et de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, aujourd’hui président de la chaîne Histoire (filiale de TF1), facturait donc ce qu’il voulait à l’Elysée, et plusieurs sondages étaient «identiques» à des études publiées dans la presse. Un bon filon pour lui et son fils, Georges Buisson, actionnaires à 98% de Publifact : en 2009, ils ont empoché respectivement 580 000 et 400 000 euros de bénéfices.
Depuis, l’Elysée a bien reconnu une «anomalie» et remis de l’ordre : appels d’offres, et nouveau contrat pour Buisson, qui ne s’occupe plus que de «conseil». Mais toutes les tentatives d’enquête sur les pratiques en vigueur depuis 2007 avaient échoué. Une impasse politique et juridique qui n’avait pas empêché Buisson de porter plainte pour diffamation contre Marianne et Libération (1). Fin 2009, la droite avait torpillé une demande de commission d’enquête déposée par les députés PS.
Une première plainte d’Anticor avait été classée sans suite en novembre par le parquet de Paris. Dans son avis, le vice-procureur de la République, Jean-Michel Aldebert, avait jugé que l’immunité dont bénéficie le chef de l’Etat devait «s’étendre aux actes effectués […] par ses collaborateurs». Une justification en contradiction avec la jurisprudence, et qui n’a pas suffi à écarter une nouvelle plainte.
(1) Dans un jugement rendu le 16 février, Patrick Buisson a été débouté de l’ensemble de ses demandes contre «Libération» et l’universitaire Alain Garrigou.
Source : libération
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