Sylvie et Dominique Mennesson, parents de deux jumelles nées d'une mère porteuse américaine, ont obtenu l'appui du ministère public.
Pour la première fois, mardi 8 mars, le ministère public a ouvert la voie à une reconnaissance des enfants nés de mère porteuse à l'étranger par l'état civil français.
Un couple français, Sylvie et Marc Mennesson, cherche depuis des années à faire reconnaître comme françaises ses deux jumelles, issues d'une mère porteuse californienne ayant reçu les spermatozoïdes de Dominique et les embryons d'une amie du couple. Les deux enfants sont de nationalité américaine depuis leur naissance, même si l'Etat de Californie a reconnu le couple comme étant les parents légitimes. La gestation pour autrui étant illégale en France, l'Etat leur refuse ce qualificatif.
L'affaire donne lieu à une bataille juridique depuis cinq ans. Le parquet a cherché à faire annuler la transcription sur les registres de l'état civil français, ce que le tribunal de Créteil avait d'abord jugé irrecevable. Un jugement confirmé en appel, mais invalidé en 2008 par la Cour de cassation.
En mars 2010, celle-ci avait renvoyé le dossier devant la cour d'appel de Paris, qui avait jugé la filiation légitime mais refusé l'inscription des actes de naissance des jumelles à l'état civil. Les parents s'étaient alors à nouveau pourvoyés en cassation. Dernier rebondissement, mardi 8 mars, le parquet général a requis lui-même l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel.
Le ministère public a invoqué le droit européen, précisément l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel toute personne à "le droit au respect de sa vie privée et familiale".
Revirement du parquet
En entamant son réquisitoire par une évocation des "campus américains où les ovocytes s'échangent comme des Pokemons", et de "l'Inde, où les femmes font de la gestation pour autrui comme on élève des poulets en batterie", l'avocat général Marc Domingo ne laissait pourtant présager rien de bon pour les époux Mennesson. Mais il a changé de ton, rappelant ensuite que "les enfants n'ont aucun état civil reconnu en France", et que "le rejet du pourvoi les condamnera[it] irrévocablement à demeurer dans cette situation".
Alors, s'est-il interrogé, "peut-on prétendre qu'un tel état de choses ne porte pas atteinte à leur droit à une vie familiale normale ?" Selon lui, "l'ordre public international ne saurait être opposé pour refuser à un droit régulièrement acquis à l'étranger (...) de produire en France les effets juridiques qui en dérivent (...) lorsqu'un tel refus a pour conséquence de porter atteinte à un principe, une liberté ou un droit garantis par une convention internationale."
Il y a quelques semaines, "une proposition sur la GPA [gestation pour autrui] a été refusée par le gouvernement, au motif qu'une intervention du législateur ne serait pas opportune alors que la Cour de cassation devait bientôt se prononcer solennellement", a rappelé l'avocat du couple, Me Bruno Potier de la Varde. "Vous voyez ô combien votre décision est attendue..."
Source : Le Monde
Commentaires