Gaz, électricité, essence, produits de base... L'envolée des prix grève le budget des ménages modestes. Tandis que les salaires, eux, augmentent peu.
Les sondages se suivent... et se ressemblent. Interrogés sur les thèmes les plus décisifs dans leurs intentions de vote - aux cantonales comme pour 2012 -, plus de 45% des Français répondent : le pouvoir d'achat ! "Avec la hausse des prix de l'énergie et de l'agroalimentaire, dans un contexte de modération salariale, je ne vois pas pourquoi ce sujet disparaîtrait", constate Brice Teinturier, de l'institut Ipsos. Tous les politiques vont donc devoir l'affronter. Le problème, c'est qu'ils n'ont guère de réponse réaliste à apporter à leurs électeurs. Comment sauver le pouvoir d'achat en sortie de crise, avec une croissance molle, un chômage élevé et une flambée du coût du pétrole ? C'est la quadrature du cercle...
Jean-Claude Trichet n'a jamais été diplomate. Il a encore mis les pieds dans le plat fin février. "Augmenter les salaires serait la dernière bêtise à faire, prévenait-il au micro d'Europe 1. Nous ne pouvons rien contre l'augmentation immédiate des prix du pétrole ou des matières premières. Mais en revanche, nous devons absolument éviter [...] que les autres prix se mettent à bouger." Cela risquerait de transmettre la hausse des prix du pétrole ou des matières premières alimentaires à tous les autres produits. Une petite phrase qui a soulevé un tollé. Le porte-parole du gouvernement et ministre du Budget François Baroin a aussitôt jugé "très curieuses" ces paroles, estimant que "l'objectif du gouvernement est de permettre à terme une augmentation des salaires" et assurant que les "efforts allemands" de modération salariale, réalisés sur la période 20032009 et vantés par Jean-Claude Trichet, "ne peuvent pas tenir dans la durée". Xavier Bertrand, ministre du Travail, renchérit : "Si la modération salariale c'est pour les traders, je suis d'accord ! Mais pour les autres, toutes les charges contraintes ont augmenté..."
Le gouvernement français a cependant signé à Bruxelles le Pacte pour l'euro, adopté par le Conseil européen les 24 et 25 mars. Un pacte qui donne raison au président de la BCE. Il pose le principe que chaque pays doit renforcer sa compétitivité, en liant l'évolution des salaires à celle de la productivité. "Le coût unitaire de la main-d’œuvre fera l'objet d'un suivi", précise le texte européen. C'est la consécration des fameux graphiques que Jean-Claude Trichet, alors gouverneur de la Banque de France, commentait longuement dans les années 1990.
Le Pacte pour l'euro dénonce les mécanismes d'indexation des salaires sur les prix et plaide pour que les accords salariaux signés dans la fonction publique montrent l'exemple. Certes, le gouvernement français a obtenu de garder les mains libres sur la fixation du SMIC. Il n'empêche. Tous les syndicats protestent. "En réalité, ce pacte inspiré par les Allemands est plus maladroit qu'autre chose, estime Jacques Delpla, membre du Conseil d'Analyse économique, puisque en France les salaires ne sont plus indexés sur l'inflation depuis le gouvernement Delors et la rigueur de 1983." Ils dépendent donc surtout de l'efficacité de l'entreprise et du marché du travail.
"On a beau retourner le problème dans tous les sens : il n'y a pas de marges de manœuvre, explique l'économiste Nicolas Bouzou. Le gouvernement a déjà essayé de mettre de la concurrence dans certains secteurs, notamment dans la distribution, il peut continuer, dans la pharmacie par exemple." Mais ça ne suffira pas. "Il peut aussi bloquer le prix du gaz ou de l'électricité, mais ce n'est pas une solution de fond."
Après l'augmentation de 5,2% du 1er avril, François Fillon a décidé de geler les prix du gaz au moins jusqu'en 2012 ! Le ministre de l'Energie, Eric Besson, planche à présent sur un nouveau mode de calcul des tarifs du gaz, et examine la possibilité de taxer les distributeurs pétroliers. Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, lui, ouvre une autre piste : "Je vais déposer un nouveau projet de loi sur l'intéressement et la participation : quand les dividendes augmentent, l'intéressement et la participation doivent augmenter d'autant."
Mais pour Nicolas Bouzou, la vraie réponse n'est pas là : "En réalité, pour redonner du pouvoir d'achat aux ménages, il n'y a qu'une voie : la formation et la qualification. C'est ce que font les Allemands, mais ça ne produit pas de résultats immédiats." Dans certaines grandes entreprises, où cet effort est plus souvent fait que dans les petites, les salaires augmentent plus vite que dans le reste de l'économie. C'est le cas cette année chez L'Oréal, EDF ou dans les banques. Ce qui n'efface pas toujours la grogne, lorsque la rémunération des patrons ou des plus hauts cadres progresse encore plus vite. " Dans un contexte comme celui-ci, suggère Nicolas Bouzou, les patrons qui gagnent plus d'un million d'euros par an ont un devoir de sobriété." Mais peu semblent s'en rendre compte...
Source : Nouvelobs
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