S'il est retenu, un amendement du projet de loi sur l'immigration permettra d'expulser des personnes souffrant de pathologies lourdes. Un collectif d'associations dénonce une condamnation à mort.
Les étrangers souffrant de pathologies graves qui résident en France vivent dans la crainte d'une expulsion depuis plusieurs mois. Leur avenir se trouve entre les mains de la commission mixte paritaire du Parlement qui doit trancher mercredi 4 mai sur la réforme du droit au séjour pour raisons médicales. Dans une ultime tentative pour contrer ce texte, un collectif réunissant entre autres Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, la Cimade, Aides et Act Up a manifesté ce mardi à Paris.
Si le texte est adopté, 28.000 personnes - 0,8% des étrangers vivant en France - pourront à tout moment être renvoyées dans leur pays d'origine sans garantie qu'elles pourront y bénéficier des soins appropriés, qu’elles souffrent de diabète, d’hépatite, de sida ou de cancer.
Au ministère de l'Intérieur, on tente de minimiser le phénomène. Le service de communication annonce 5.153 nouvelles cartes de séjour pour malades étrangers en 2009, et seulement 5.940 avec les renouvellements.
Du côté du Conseil National du Sida, Michel Celse s’étonne de cette bataille de chiffres : "Le nombre de 28.000 ne sort pas de nulle part : il est fourni par le Sénat lui même dans son avis de novembre 2009. Et le Sénat obtient ses chiffres auprès du ministère". Selon le rapporteur du CNS, les chiffres autour de 5.000 ne prennent en compte que les nouveaux entrants.
Depuis le 11 mai 1998, un étranger gravement malade pouvait bénéficier d’un titre de séjour temporaire en France s’il ne bénéficiait pas d’un accès aux soins «effectif» dans son pays. C’est cette notion d’"effectif" qui disparaît dans le nouveau projet.
Les associations de défense des étrangers et des malades dénoncent une véritable condamnation à mort. En cause, l'amendement voté par le Sénat le 13 avril dernier. Le texte précise en effet le régime du titre de séjour "étrangers malades" : il pourrait être accordé en cas "d'absence du traitement approprié dans le pays d'origine" et, dans certains cas, "en raison de circonstances particulières tenant à la situation du demandeur".
La présence du traitement dans le pays d'origine n'est en rien une garantie d'accessibilité. Les soins existent désormais partout. Mais en quelle quantité, à quel prix, et avec quels critères d’attribution. Autant de données variables d'un pays à l'autre.
Quant aux considérations humanitaires "exceptionnelles", les associations condamnent le non respect du secret médical et l'absence de contrôle d'un juge. Il appartiendra en effet au préfet d'apprécier les situations individuelles.
"Tous les pays sont-ils prêts à fournir un traitement contre le sida à une personne expulsée dont ils savent qu'elle est homosexuelle ?", s'interroge un volontaire de l'association Aides. A cette question, le ministère de l'Intérieur comme le ministère de la Santé reconnaît ne pas avoir de réponse.
Pouvoirs publics et associations s'accorde sur au moins un point : il n'existe pas d'augmentation de la migration médicale en France. L'amendement voté par le Sénat précise d'ailleurs qu'"on ne constate pas de tourisme médical".
"Ce projet aggravera la situation alors que pour le moment, nombre des personnes concernées travaillent et cotisent en France", estime la militante, avant de conclure : "Non content de mettre les malades en danger, ce texte ne ferait que creuser un peu plus le déficit public !"
Source : Nouvelobs
Commentaires