La commission mixte paritaire a entériné le 5 mai l'article 17 ter du projet de loi relatif à l'immigration, qui restreint l'accès des étrangers à l'aide médicale de l'Etat (AME).
Celui-ci, qui restreint l'accès des étrangers à l'aide médicale de l'Etat (AME), a donné lieu à d'âpres discussions et à une opposition entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui souhaitait lever cette restriction et n'a finalement pas obtenu gain de cause. En l'occurrence, la CMP a repris la rédaction adoptée par l'Assemblée en seconde lecture du texte.
La loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile autorisé la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un étranger lorsque son "état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire". Dans ce régime, la décision d'admission au séjour est prise par le préfet - après avis d'un médecin de l'agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente - ou, à Paris, du médecin chef de la préfecture de police...
Mais, au-delà des considérations politiques, deux éléments ont joué dans la remise en cause de la disposition de 1998. Il s'agit, d'une part, de la forte croissance des dépenses d'AME, doublée - jusqu'à l'an dernier - d'une sous-évaluation systématique des inscriptions budgétaires. L'argument du dérapage des dépenses est toutefois contesté à la fois par le récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances sur l'AME, mais aussi par le rapporteur des crédits de la mission Santé au Sénat.
Le second facteur explicatif tient à l'évolution de la jurisprudence de Conseil d'Etat. Dans deux arrêts du 7 avril 2010, celui-ci a en effet considéré que la condition d'accès "effectif" aux soins suppose que, si le traitement existe, il soit également accessible à l'ensemble de la population du pays concerné "eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement". Cette interprétation, plus généreuse que le texte de 1998 et son interprétation retenue jusqu'alors par la jurisprudence, a fait craindre un afflux de demandes impossibles à écarter. Thierry Mariani - auteur de l'amendement à l'origine de l'article 17 ter et qui était alors député avant de devenir secrétaire d'Etat aux Transports en novembre dernier - explique que l'objet de cette modification est de revenir à l'esprit et à la lettre du texte de 1998.
Même s'il est difficile d'anticiper l'interprétation qui en sera donnée, l'article 17 ter va en réalité plus loin que le texte de 1998, puisqu'il remplace les mots "qu'il ne puisse effectivement bénéficier" par les mots "de l'indisponibilité". Or un traitement peut être disponible dans le pays d'origine, sans que la personne malade puisse pour autant y accéder pour diverses raisons (coût, absence de couverture sociale, ségrégation...). L'article 17 ter prévoit néanmoins une possibilité de déroger à cette nouvelle règle de l'indisponibilité en cas de "circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé".
Comme tout au long de la procédure parlementaire, les associations ont vivement réagi à la décision de la CMP. L'un des arguments avancés - au-delà de la dimension humanitaire - est que la mesure va conduire à ne pas soigner des étrangers présents sur le sol français et porteurs de maladies transmissibles (comme la tuberculose), ce qui risque de nuire à la santé de l'ensemble de la population. Dans un communiqué du 4 mai, Médecins du monde annonce ainsi qu'"en tout état de cause, nous, médecins, continuerons à soigner toutes les personnes nécessitant des soins, quels que soient leur nationalité et leur statut administratif, conformément à nos principes déontologiques".
Source : Localtis
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