De La loi Tepa ("Travail, emploi et pouvoir d'achat"), votée à l'été 2007 et symbole du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est aujourd'hui vidé de sa substance. Après la suppression du « bouclier fiscal » (certes repoussée à 2014), la remise en cause (certes très partielle) de la baisse des droits de succession et la fin de l'exonération fiscale des intérêts d'emprunts, il ne reste plus du paquet fiscal que les subventions massives aux heures supplémentaires introduites alors au nom du « travailler plus pour gagner plus ».
Un rapport parlementaire du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, rédigé par les députés Jean-Pierre Gorges (UMP) et Jean Mallot (PS) rendu public le 30 juin dernier, dresse un bilan sévère et très négatif de la dernière mesure encore en vigueur.
Ce dispositif exonère de charges sociales les entreprises et les salariés sur les heures travaillées au-delà de la durée légale.
Dans ces conclusions, le rapport dénonce le coût trop élevé de la mesure. Le manque à gagné pour les finances publiques est évalué à 4.5 milliards en moyenne pour 2010.
Le coût est d’autant plus élevé que "l'objectif visé ; la valorisation du travail, n'a pas été atteint", explique le député d'Eure-et-Loir Jean-Pierre Gorges.
Certes, le dispositif a permis de gratifier certains salariés. Le gain de pouvoir d'achat est réel. Ainsi, ce sont en moyenne 3,2 milliards d'euros par an qui sont reversés à quelque 9,4 millions de salariés grâce à l'exonération de cotisations sociales (l'heure est rémunérée au brut) et à l'exonération fiscale (la rémunération des heures supplémentaires est déductible de l'impôt sur le revenu). Le gain annuel moyen par salariés se monte environ à 500 euros par an, soit 42 euros par mois. Néanmoins, ce dispositif ne bénéficie ni aux non salariés ni aux salariés à temps partiel, et dans sa globalité aux seuls salariés imposables. Il est inégalitaire, "C'est-à-dire qu'il exclut les personnes aux revenus les plus modestes", souligne le député de l'Allier Jean Mallot. Le profil type du bénéficiaire est un homme, dans un emploi stable, à la rémunération médiane (1600 euros par mois), travaillant plutôt dans la restauration ou la métallurgie, révèle le rapport.
La défiscalisation des heures supplémentaires a surtout facilité les restructurations dans la fonction publique d'Etat - le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Elle a aussi eu un effet très positif pour les personnels de la Fonction publique hospitalière, particulièrement affectée par le passage aux 35 heures.
Un constat déjà pointé du doigt en 2010 par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo. Selon les deux économistes, si le nombre d'heures supplémentaires payées a certes progressé de 25% depuis 2007, la durée du travail, c'est à dire finalement le nombre d'heures travaillées, n'a pas bougé. Ils en concluent que la défiscalisation des heures supplémentaires est en réalité un outil d'optimisation fiscale pour les entreprises. Un avis que partagent les deux auteurs du rapport. L'exonération de charges patronales sur les heures supplémentaires rapporte en moyenne 1,3 milliard d'euros par an aux entreprises. Or "l'heure supplémentaire est par principe l'heure où la marge de l'entreprise est maximale", explique Jean-Pierre Gorges, "car les coûts fixes de l'employeur sont déjà amortis sur les heures normales".
Les deux députés proposent donc de supprimer cet avantage pour les entreprises, pour un gain estimé à 700 millions € ou la mise sous conditions de cet avantage pour réduire le nombre d’entreprises bénéficiaires.
Ils estiment nécessaire de réaffecter le gain au subventionnement des premières embauches (des jeunes ou des chômeurs). Sur les autres préconisations, en revanche, les auteurs du rapport divergent. L'UMP Jean-Pierre Gorges est pour le maintien des avantages fiscaux et sociaux en faveur des salariés. Il demande à laisser une chance au dispositif de faire ses preuves en période de croissance. Le socialiste Jean Mallot souhaite lui une suppression pure et simple de cette mesure. Et propose de réaffecter son coût au financement d'emplois jeunes.
D’autres pistes sont envisagées, l’une visant à réintégrer les heures supplémentaires dans le calcul du montant de l’allégement général sur les bas salaires ou « réduction Fillon ».
En revanche, les rapporteurs estiment que compte tenu de « son impact direct et immédiat » sur le pouvoir d’achat des salariés concernés par les heures supplémentaires, la remise en cause de l’exonération des cotisations salariales afférente serait plus difficile à appliquer.
Ce rapport a pour ambition d'être un outil de travail pour les parlementaires en vue des débats de l'automne sur le budget 2012. Il offrira de la matière aux députés et sénateurs qui voudront amender le projet de loi de finances présenté par le gouvernement. Il sera aussi, et surtout, l'objet de débats pour la présidentielle de 2012.
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