La taxation des hauts revenus, votée à l'Assemblée nationale, ne satisfait pas l'opposition qui veut aller plus loin.
"Il s’agit d’une « mesurette » destinée à faire oublier les 1,8 milliard de cadeaux faits dans le cadre de la rénovation de l’impôt sur la fortune", déclare le député PS du Rhône Pierre-Alain Muet, jeudi 20 octobre, au lendemain du vote d’une taxe sur les hauts revenus destinée à lutter contre les déficits publics. Fixée à 3% sur les revenus de 250.000 à 500.000 euros, et à 4% au-delà de 500.000 euros, la taxe reste applicable jusqu'à ce que les finances publiques retrouvent l'équilibre. Un dispositif qui devrait concerner quelques "27.000 foyers (moins de 0,01% des foyers fiscaux, NDLR) et rapporter 410 millions d’euros", selon les derniers calculs du rapporteur général du Budget (UMP) Gilles Carrez.
L’opposition dénonce une taxe "cosmétique" qui ne recouvre pas le quart du "cadeau fiscal" accordé lors de la réforme sur l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) au début de l’été. "Troisième impôt sur le revenu. Cette loi crée un véritable dédale fiscal", dénonce Pierre-Alain Muet, qui a défendu la veille ses arguments au Palais Bourbon. "Cette mesure reste de surcroît transitoire", ajoute-t-il, et "les aberrations demeurent". "Liliane Bettencourt, troisième fortune de France, ne paie que 15% d’impôts sur ses revenus. Avec cette mesure, elle en paiera au plus 19%", explique le député du Rhône.
L’amendement déposé par le PS, et rejeté, assurait une progressivité plus forte de l’impôt sur le revenu avec une tranche supplémentaire à 45% à partir de 100.000 euros de revenus annuels par part fiscal (moins de 1% des ménages). Une proposition "soutenue par des députés de droite", tels que le député UMP du Maine-et-Loire Michel Piron, "et le Nouveau centre", avant qu’ils ne se rallient à la majorité.
"Il faut une réforme fiscale courageuse", assène Pierre-Alain Muet. "La création d’une tranche supplémentaire ne constitue pas la solution", explique le député socialiste. Le projet du PS est de créer un impôt "citoyen" progressif qui associe l’impôt sur le revenu et la CSG (contribution sociale généralisée). "Une réforme indispensable qui permettra d'assurer une plus grande justice du système fiscal", assure Michel Sapin, député de l’Indre et conseiller économique de François Hollande. "Les montants payés par les plus modestes vont baisser grâce à la progressivité appliquée aux plus riches", explique l’ancien ministre de l’Economie. Ce dispositif implique un "relèvement de l’impôt sur seulement 10% des contribuables les plus riches", précise le programme socialiste.
Une proposition partagée par l’économiste proche du PS Thomas Piketty, qui estime que "cela ne sert à rien d’augmenter les taux sur une assiette percée". "Avec un taux de 8%, la CSG rapporte 90 milliards d’euros, soit quasiment deux fois plus que l’impôt sur les revenus qui applique des taux bien plus élevés", explique le directeur d’études à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales). "La CSG s’applique aussi aux revenus du capital, à la différence de l’impôt sur les revenus, et reste peu touchée par les niches fiscales", souligne-t-il. Le docteur en Economie appelle à une grande révolution fiscale en remplaçant l’actuel impôt sur le revenu (IR), la CSG, la CRDS et la prime pour l’emploi par un impôt unique et progressif de 0 à 60%. "Un taux finalement raisonnable", pour l’économiste qui explicite sa démarche sur un site dédié. Selon lui, le PS proposera un taux maximal aux environs des 50% qui ne sera finalement que l'addition de la tranche supérieure de l'IR (41%) et de la CSG (8%).
Au niveau du chiffrage, le PS reste prudent. "Concrètement, les taux d’imposition proposés ne seront pas nécessairement plus élevés qu'aujourd'hui car le nouveau barème sera assis sur une assiette plus large", précise Michel Sapin. "Le taux maximal dépendra de la pente donnée à la progressivité. Et ce choix sera fait par le candidat et annoncé au cours de la campagne", assure le proche de François Hollande.
"Il y aura nécessairement une montée des prélèvements obligatoires", avait annoncé le candidat PS à la présidentielle au cours de sa campagne. Un constat confirmé par le député de l’Essonne, Manuel Valls, jeudi, sur France info.
Des déclarations qui ne signifient pas nécessairement une augmentation d’impôts, rétorque Michel Sapin. "Lorsque la croissance est faible, le taux de prélèvements obligatoires augmente automatiquement à fiscalité semblable. C’est un indicateur qui n’a aucun sens", expose-t-il. "Ce taux a augmenté d'un point au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui faisait pourtant la promesse de le baisser de quatre", souligne le député. De 43,3% en 2007 à 44.5% en 2012, confirme le rapport du projet de loi de finances pour 2012.
"La logique est là", conclut le député, mais le niveau de redistribution engagée par la réforme reste encore imprécis. Le parti socialiste, désormais en campagne, jauge probablement son électorat avant de placer le curseur.
Source : Le Nouvel Observateur
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