Revendiquée par le Front national, la sortie volontaire de l'euro provoquerait la destruction de 6 à 19 points de la richesse nationale à un horizon de dix ans et la destruction de plus de 1 million d'emplois, estime l'Institut Montaigne sur la base des modèles économétriques de Bercy.
C'est le rêve de Marine Le Pen et la terreur des autres candidats à l'élection présidentielle 2012. La sortie de l'euro, qui n'avait jamais été sérieusement envisagée avant l'effondrement de la Grèce et la difficulté de l'Europe à y répondre rapidement, a intégré le champ des possibles. Même si l'éclatement de la zone monétaire est redoutée bien davantage que le retrait volontaire de la France. Les engagements qui viennent d'être pris par les pays européens - à l'exception du Royaume-Uni -pour créer une union budgétaire a beau éloigner cette perspective, elle est souhaitée par plus du tiers des Français, si l'on en croit un sondage publié la semaine dernière par Ipsos. « Les rafistolages et plans de renflouement successifs pour sauver l'euro ne permettront pas de résoudre la crise. Sans sortie de l'euro, ça va être le chaos économique et social », a martelé la présidente du Front national jeudi sur RTL.
Le retour au franc n'apporterait certainement pas autre chose. Il impliquerait des conséquences a priori désastreuses pour les ménages et les entreprises, en termes de croissance, d'emploi et de pouvoir d'achat. L'institut Montaigne a tenté d'en mesurer l'ampleur. Décidé à expertiser les principales mesures défendues par les candidats à la présidentielle 2012, en partenariat avec les « Echos », il s'est penché sur la proposition concrète du Front national, à savoir le retrait de la France de la zone euro, et non l'explosion du système. Il entraînerait la destruction de 6 à 19 % de la richesse nationale à un horizon de dix ans, estime l'Institut Montaigne. Concrètement, la France s'appauvrirait donc de 9.000 euros par salarié. Plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'emplois seraient supprimés dès la première année. A long terme, il faudrait même s'attendre à la destruction de plus de 1 million de postes, évalue le think tank libéral.
Le chiffrage est évidemment sujet à caution (sa fiabilité est d'ailleurs estimée à 1 sur 5) : il a été produit à partir des modèles économétriques de Bercy, davantage conçus pour mesurer des variations de faible ampleur qu'un choc d'une telle envergure. Ils ne tiennent notamment pas compte des changements de comportement des investisseurs - qui seraient tentés de transférer leurs capitaux à l'étranger -des autres pays - qui imposeraient des quotas sur les produits français et augmenteraient les droits de douane -et des marchés financiers - qui couperaient les crédits. La zone euro, elle-même, ne survivrait certainement pas au retrait de la France, ce qui aurait des effets encore plus désastreux. L'agriculture française, notamment, serait alors malmenée par celle de l'Espagne et de l'Italie, plus compétitive. Si l'Institut Montaigne encourt un risque, c'est donc davantage celui de l'optimisme excessif que du catastrophisme, estime-t-il.
L'estimation se concentre en fait sur les événements majeurs qui ne manqueraient pas d'arriver en cas de retour volontaire au franc. Le FN l'évoque lui-même dans son programme : la sortie de l'euro s'accompagnerait d'une dévaluation de 20 % de la nouvelle monnaie. A court terme, les produits français bénéficieraient d'un important avantage en termes de compétitivité, la dépréciation de la monnaie les rendant beaucoup moins chers que les produits importés. Les exportations seraient plus dynamiques. Mais les ménages, qui consomment beaucoup de produits importés, perdraient en pouvoir d'achat : i-Phone, jouets et voitures étrangères deviendraient 20 % plus chers. Cette dévaluation serait, surtout, sévèrement sanctionnée par les marchés, qui exigeraient une forte hausse des taux d'intérêts. La dette - qui passerait mécaniquement de 82 à 103 points de PIB à cause de la dévaluation de la monnaie -deviendrait alors extrêmement lourde à financer.
La France se trouverait rapidement dans la situation de l'Italie aujourd'hui (118 % de dette), qui supporte des taux d'intérêt bien plus élevés (entre 6 % et 7 %). Encore est-il supposé que Paris parviendrait à refinancer l'ensemble de sa dette (400 milliards la première année), ce qui est loin d'être acquis. Pour supporter un tel fardeau, le pays serait contraint de réduire ses dépenses (prestations sociales, salaire des fonctionnaires, etc.) ou d'augmenter les impôts. Les Français seraient alors incités à moins dépenser, alimentant le cercle infernal entre récession, chômage et moindre consommation.
Source : Les Échos
Commentaires