Au début du mois de février, Bert De Graeve, le patron de Bekaert, leader mondial du fil d'acier, annonçait la restructuration la plus importante de son histoire pour cette entreprise flamande. Mais il espérait, soulignait-il, "réduire au maximum les dégâts sociaux" liés à cette opération qui a traumatisé plusieurs municipalités où Bekaert était une véritable institution ainsi qu'un gage de prospérité et de stabilité.
Quelques semaines plus tard, alors que la négociation d'un plan social se déroule dans un climat très difficile, les travailleurs des divers sièges sont partis spontanément en grève car, le vendredi 30 mars, un quotidien leur a appris le matin même que M. De Graeve avait vu son salaire grimper de 30% en 2011, passant de 1,35 à 1,78 million d'euros. Le patron s'est manifestement mis, lui aussi, à l'abri des "dégâts sociaux " qu'il voulait prévenir...
" C'est une gifle au visage du personnel ", a déclaré le syndicat socialiste ABVV. D'autant, souligne Kenneth Blomme, l'un de ses responsables dans le quotidien De Standaard, que le personnel a tenu à assurer la continuité des activités en l'attente du plan social qui doit lui être soumis mardi 3 avril. Les syndicats sont d'autant plus énervés que M. De Graeve - ancien patron de la VRT, la radio-télévision publique flamande - avait auparavant prévenu qu'il ne pourrait peut-être pas garantir l'implantation sur le long terme de Bekaert en Belgique.
Dans une tentative maladroite, le président du conseil d'administration et du comité de rémunération de la société, le baron Paul Buysse, a tenté de justifier, vendredi, la hausse spectaculaire de la rémunération du patron, affirmant que celui-ci avait "atteint ses objectifs" et qu'il convenait, dès lors, de "respecter scrupuleusement" les règles salariales en vigueur. La direction précisait toutefois qu'elle comprenait "la frustration" du personnel.
Une frustration qui devait encore se manifester samedi, les ouvriers projetant de prolonger leur action. Et peut-être mardi, lorsque la direction devra dévoiler les conditions de départ pour les centaines de travailleurs licenciés. Les organisations syndicales ont demandé à M. De Graeve de "s'excuser" avant toute reprise des pourparlers et ils veulent, cette fois, que les pourparlers soient "sérieux". "Nous n'avons eu affaire jusqu'ici qu'à des marionnettes et des membres de la direction privés de mandat", affirme M. Blomme. M.Bekaert déclarait, en février, avoir dû prendre des mesures radicales en raison de l'effondrement du marché mondial des panneaux photovoltaïques, gros consommateur de ses fils d'acier. Il a annoncé, par ailleurs, le licenciement de 1250 travailleurs en Chine.
Le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 3,3 milliards d'euros en 2011 (+ 2,4%), mais son bénéfice net est passé de 367,6 à192,6 millions, ce qui rendrait obligatoire une réduction annuelle de ses coûts à hauteur de 100 millions.
Encore un bel exemple de solidarité.
Source : Le Monde
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