Depuis quelques mois, les prix augmentent plus vite que les salaires en France, constate Guillaume Duval dans sa chronique pour Radio Nova. Deux causes principales : la contraction de l'activité due à la crise et aux plans de rigueur, d'une part, et notre dépendance au pétrole dont les prix battent des records, d'autre part.
On parle beaucoup en ce moment de courbes qui se croisent à propos de l’élection présidentielle, mais ce n’est pas de ce croisement-là dont vous voulez nous parler…
Non, il s’agit bien également d’une histoire de courbes qui se croisent et cela concerne aussi tous les Français. L’affaire n’est pas non plus sans lien avec l'élection présidentielle, mais il s’agit d’autres courbes que celles des sondages : les courbes des salaires et des prix.
Et que leur arrive-t-il de particulier ?
Depuis la fin de l’année dernière, la courbe des prix est passée au-dessus de celle des salaires. Autrement dit : les prix augmentent désormais plus vite que les salaires et les Français perdent du pouvoir d’achat, ce qui alimente le ralentissement de l’économie et la montée du chômage…
Et c’est exceptionnel ?
Absolument. En temps ordinaire, la hausse des salaires est presque toujours – légèrement – plus importante que celle des prix, permettant des gains de pouvoir d’achat pour ceux qui ont un emploi. Et, contrairement à ce qu’on pense souvent, ce n’est pas non plus un problème pour les entreprises, car ces gains de pouvoir d’achat sont la contrepartie des gains de productivité réalisés par les salariés : chaque année, ils produisent en effet plus de richesses que l’année précédente grâce à leur expérience, à de nouvelles machines ou encore à une organisation plus efficace… Ce qui permet que les salaires augmentent plus vite que les prix, sans pour autant que les profits des entreprises diminuent puisque elles peuvent vendre – grâce à ces gains de productivité – plus de biens et de services. Cet enchaînement entre gains de productivité et gains de pouvoir d’achat est même au cœur de la mécanique de la croissance économique : sans gains de pouvoir d’achat pour les salariés, il n’y a plus assez d’acheteurs pour les biens supplémentaires qu’on peut produire grâce aux gains de productivité et c’est la crise…
A quoi est due l’inversion qu’on constate aujourd’hui ?
A un double mouvement. Avec la crise et la montée du chômage qui se poursuit, la pression sur les salaires se renforce et les hausses ont eu tendance à se réduire : avant la crise elles tournaient autour de 3 % par an, aujourd’hui c’est plutôt du 2 %. Ce recul de l’activité et cette montée du chômage sont dus pour une bonne part aux erreurs de politiques économiques dans la gestion de la crise en Europe : les restrictions budgétaires excessives et généralisées prônées notamment par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel bloquent la reprise.
Mais pendant ce temps, les prix, eux, se sont remis à augmenter plus rapidement, tirés en particulier par les prix du pétrole. Cela avait déjà été le cas début 2008 : la croissance des pays émergents avait accru la pression sur les prix du pétrole mais aussi des produits agricoles, du fait notamment du développement des agrocarburants. Et du coup, au printemps 2008, les Français avaient déjà perdu du pouvoir d’achat. Ce qui avait entraîné un recul de l’activité avant même la chute de Lehman Brothers. Par la suite, les prix avaient au contraire reculé. Au point que, pour ceux qui ont gardé leur emploi, la phase la plus aiguë de la crise a été une période de gain de pouvoir d’achat sans guère de précédent. Mais depuis 2010, avec le redémarrage de l’économie mondiale cet intermède est terminé. Et avec les tensions avec l’Iran, les prix du pétrole s’envolent, d’où de nouveau des pertes de pouvoir d’achat.
Quelles conclusions en tirez-vous ?
D’abord que Nicolas Sarkozy n’a pas été le « Président du pouvoir d’achat » qu’il se vantait d’être il y a cinq ans : au contraire le pouvoir d’achat de chaque Français a légèrement reculé depuis 2007, un phénomène sans guère de précédent. C’est bien sûr un effet de la crise qui a frappé le monde. Mais c’est aussi le résultat de la très mauvaise gestion de cette crise en Europe par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy qui a prolongé le ralentissement de l’économie. Cette perte de pouvoir d’achat confirme cependant également l’urgence d’accélérer la transition énergétique et la conversion écologique de nos économies malgré toutes les difficultés budgétaires. Sinon, à chaque redémarrage de l’économie mondiale, nous serons condamnés à voir notre niveau de vie se dégrader du fait de la hausse des prix des matières premières que nous devons importer.
Source : Alternatives économiques
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