La refonte de la carte judiciaire, qui a supprimé un tiers des juridictions, a éloigné la justice du citoyen sans donner lieu à une véritable réflexion sur l’organisation des contentieux, estiment les auteurs d’un rapport sénatorial, qui y voient une “occasion manquée”.
Annoncée en 2007 par la ministre de la Justice d’alors, Rachida Dati, et achevée au 1er janvier 2011, la réforme de la carte judiciaire visait à mieux répartir le travail dans les tribunaux et à en rationaliser les moyens. Malheureusement, ce redécoupage, qui au passage a conduit à la suppression d’un tiers des juridictions, tient plutôt de l’“occasion manquée”, estiment les sénateurs Nicole Borvo Cohen-Seat (groupe communiste) et Yves Détraigne (Union centriste), chargés d’un bilan par la commission des lois.
Le duo de sénateurs constate que la réforme a eu “des conséquences négatives pour les justiciables, notamment les plus fragiles”, en compliquant l’accès à la justice. “Dire que le contact avec la justice est exceptionnel pour justifier des distances qui peuvent atteindre 100 km avec le tribunal le plus proche n’est pas un bon argument”, a regretté Yves Détraigne, soulignant la masse des contentieux en matière d’affaires familiales ou de tutelles et la fréquence des rendez-vous qu’ils impliquent.
Traduction concrète de cet éloignement : sur certains territoires, la demande de justice diminue. Un signe, selon les rapporteurs, du découragement des citoyens à saisir les juges, comme en Haute-Loire, où les tribunaux d’instance de Brioude et d’Yssingeaux ont été rattachés au Puy-en-Velay et où le nombre d’affaires a baissé de plus de 20 % depuis 2008.
Les délais de traitement des dossiers soumis aux juridictions civiles se sont dégradés depuis la réforme, passant en moyenne de 5,7 mois à 6,3 mois pour les tribunaux d’instance.
Côté personnels de justice, les effets ne sont pas moins négatifs, avec une réforme perçue comme “précipitée, mal expliquée, voire brutale”, écrivent les sénateurs. L’instance de consultation nationale sur le sujet ne s’est réunie qu’une seule fois, a pointé Yves Détraigne, soulignant que les décisions sur les nouvelles implantations avaient été bouclées en quelques mois, le temps de l’été 2007. Avec quelque 400 postes de fonctionnaires de justice et 80 postes de magistrats en moins au terme de cette réforme, “un objectif comptable semble s’être imposé au détriment souvent du bon fonctionnement des juridictions et de l’intérêt du justiciable”.
Toutes ces difficultés résultent d’une erreur originelle dans la démarche : avoir procédé à une “réforme quantitative des implantations sans réflexion sur l’organisation de la justice et la répartition des contentieux”, concluent Nicole Borvo Cohen-Seat et Yves Détraigne, pour qui la réforme reste à faire.
Source : Acteurs publiques
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