Après plusieurs années fastes, les demandes de conversion en agriculture biologique ont récemment subi un coup d'arrêt.
Jeudi 2 mai, invité à l'Assemblée générale d'Auvergne Biologique, Etienne Gangneron, agriculteur bio dans le Cher et président de l'Agence Bio a expliqué avoir déjà connu ce phénomème de paliers. Une première tendance à la baisse avait ainsi été observée autour de 2005-2006, après de fortes augmentations au début des années 2000. Même chose après une période de forte demande de conversion autour des années 2007 et 2009, avec 10 conversions quotidiennes en 2009, et 15 en 2010. En 2011, la dynamique se poursuit mais sur un rythme d'environ 5 conversions par jour et "nous sommes maintenant dans le creux de la vague", estime Etienne Gangneron.
Actuellement, 1,2 million d'hectares sont consacrés au bio, soit environ 3,7% de la surface agricole utile, avec 23.135 exploitations en agriculture bio. Loin encore des objectifs du Grenelle de l'environnement qui étaient de passer à 6% en 2012 et 20% en 2020... Mais les rythmes sont toutefois différents en fonction des filières. D'après l'Agence Bio, plusieurs facteurs expliquent la diminution actuelle des demandes de conversion.
Le prix des produits en fait partie. Les prix de l'agriculture classique ou conventionnelle ayant augmenté, le delta n'est plus assez important entre ces deux types de prodution. La rémunération n'étant pas à la hauteur au vu des investissements et de l'engagement fort que nécessite cette production.
L'aspect politique est aussi capital. "La demande publique est un signe très important qui peut permettre de rassurer les agriculteurs, signale ainsi Etienne Gangneron, il faut que les collectivités se mettent plus en ordre de marche !" D'après le président de l'Agence Bio, on parle beaucoup d'expériences en matière de bio dans les collectivités, mais "il s'agit le plus souvent de micro-expériences, qui ne représentent le plus souvent que 2 à 3 hectares à chaque fois. Il faut passer au delà de l'expérience, à une dimension plus importante".
En Auvergne, le bio pâtit surtout d'un manque d'organisation de la filière. Les surfaces agricoles bio représentent seulement 3,1% des surfaces agricoles, ce qui classe la région au douzième rang, alors "qu'on a tout pour être premier", regrette René Souchon, le président du conseil régional d'Auvergne. La région a constitué un pôle de conversion Bio en 2008 permettant une meilleure coordination entre les acteurs du domaine. Mais même avec ce nouvel outil, difficile pour les représentants du bio de s'entendre… "J'ai dû taper du poing sur la table et siffler la fin de la récréation, explique René Souchon, nous avons travaillé sur la mise en place d'un site internet, pour donner des informations au grand public et aux agriculteurs, et la région va mettre à la disposition des organisations interprofessionnelles de l'agriculture biologique un ingénieur pendant six mois. Elles ont six mois pour se mettre en ordre de marche, après quoi si ça marche, le poste sera à l'interprofession !"
Outre une meilleure organisation de la filière, les régions ont aussi besoin que les producteurs puissent s'engager dans la durée et sur un certain volume pour subvenir aux besoins des cantines scolaires. "On a bien compris le message concernant la régularité de la production souhaitée par les collectivités, et le souhait de grosses quantités, assure Etienne Gangneron, nous avons la volonté de progresser dans le temps, il faut vraiment que la filière du bio passe à une étape de professionnalisation. Il y a beaucoup trop d'expériences artisanales à notre goût, il faut changer de braquet !"
La région Auvergne tente aussi, comme l'Ile-de-France, d'impulser la demande et de motiver l'offre : elle subventionne à hauteur de un euro tout repas bio. 34.000 repas ont ainsi été subventionnés en 2012. Elle propose aussi un plan de formation pour les cuisiniers bio des cantines.
Mais même avec la volonté politique, les collectivités sont parfois bloquées dans leur élan par les contraintes issues de la commande publique. Il faut parfois ruser, favoriser le mieux disant plutôt que le moins disant afin de donner une chance aux producteurs locaux. "Il y a des limites à la concurrence, estime René Souchon, en faisant allusion aux règles européennes, il faut obtenir de l'Europe qu'elle assouplisse ses règles pour permettre aux producteurs de servir les marchés locaux." "C'est compliqué le Code des marchés publics, les règles, tout cela permet difficilement de favoriser une production locale, poursuit-il, il faut les contourner, et cela demande beaucoup de travail pour rester dans la légalité tout en sortant des carcans."
Tous mettent beaucoup d'espoir dans le programme national bio Ambitions 2017 que le gouvernement doit présenter en juin 2013, destiné à développer l'agriculture biologique. Les travaux autour de ce plan, initié par Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, ont commencé à la rentrée 2012, et doivent s'achever au printemps 2013.
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