Présentée un mois après la démission de Jérôme Cahuzac, la loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique, aura mis près de dix mois à être adoptée, avant que le Conseil constitutionnel n’en retoque une partie en décembre. Tour d’horizon des principaux changements apportés.
La création d’un Procureur financier
« C’est la clef de voûte de l’amélioration de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière », avait assuré la garde des Sceaux, Christiane Taubira. La loi crée un Procureur financier à la compétence large et portant sur les affaires « complexes » : corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, favoritisme, détournements de fonds publics, délits boursiers ainsi que fraude fiscale. C’est la magistrate Eliane Houlette qui a été nommée à ce poste fin janvier.
Elle a déclaré dans un entretien au « Monde » avoir« déjà 110 dossiers », parmi lesquels les dossiers Cahuzac, Balkany, Pérol, Dassault… S’y ajoute depuis peu l’affaire Sarkozy-Herzog.
A sa création, le nouveau parquet a été très critiqué par les syndicats de magistrats, qui pointaient son manque d’indépendance et de moyens. Placé sous l’autorité du procureur général de Paris, le procureur financier est en effet nommé par décret du président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Il ne compte pour le moment que cinq magistrats, mais la Chancellerie a promis la création à terme d’une cinquantaine de postes de magistrats et d’assistants spécialisés.
Des moyens d’enquête renforcés
Bras armé du parquet financier, le nouvel Office central de lutte contre la fraude et la corruption s’est vu attribuer des moyens d’enquête renforcés, via notamment la création d’un délit de fraude fiscale en bande organisée. Il peut recourir aux « techniques spéciales d'enquête » que sont la surveillance, l’infiltration, les sonorisations, la garde à vue de quatre jours ...pour démasquer les faits de fraude fiscale aggravée. Des moyens que le Conseil constitutionnel a limités, annulant par exemple la garde à vue de 96 heures.
Les sages ont également restreint l’utilisation des données obtenues de manière illicite, comme les fameux « fichiers volés » de HSBC, ouverte par le texte de loi. Les données doivent avoir été portées « régulièrement » à la connaissance de l’administration, a insisté le juge constitutionnel. Le texte contraint en outre le régulateur bancaire à transmettre au fisc des informations pouvant l’intéresser – elles n’étaient jusque là transmises qu’au parquet et à Tracfin.
Une meilleurs coopération entre la Justice et Bercy
La loi ne remet pas en question le monopole de Bercy en matière de poursuites pour fraude fiscale, mais aménage les relations entre les juges et le fisc. Elle modifie à compter de 2015 la composition de la Commission des infractions fiscales (CIF), chargée de transmettre à la justice les dossiers fiscaux que Bercy lui soumet. La CIF comprendra ainsi des magistrats de l’ordre judiciaire et devra être plus transparente vis-à-vis des parlementaires.
Régularisations : 18.200 dossiers déposés, plus de 500 traités
Autre chantier lancé dans la foulée de l’affaire Cahuzac, la régularisation des avoirs non déclarés continue de produire des résultats record. Selon les derniers chiffres de Bercy, 18.200 dossiers avaient été déposés auprès de l’administration fiscale au 14 mars, dont plus de 500 avaient déjà été traités, soit deux fois plus qu’il y a un mois.
" Le succès ne se dément pas" indique le ministère des finances. Le produit des régularisations pourrait du coup dépasser les 4 milliards d’euros, tandis que le budget tablait initialement sur des recettes de 1 milliard.
En février le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve,a indiqué que le montant moyen des avoirs par dossier s’élevait à un peu plus de 1 million d’euros. Mais le montant moyen des actifs régularisés serait en hausse.
Source : article Les Echos
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