Le fonds de 100 millions d'euros par an destiné en quinze ans à aider les collectivités tombées dans le piège des emprunts toxiques, a franchi une étape importante ce 11 mars. Le Comité des finances locales (CFL) a approuvé le projet de décret précisant les modalités de fonctionnement de ce fonds de soutien créé par l'article 92 de la loi de finances pour 2014. L'administration de Bercy posait au départ des conditions extrêmement exigeantes pour l'éligibilité à ce fonds, faisant douter de sa réussite en demandant notamment aux collectivités de s'engager sur une transaction globale concernant un grand nombre de leurs produits structurés.
La concertation a ainsi connu des hauts et des bas. Par exemple, le 30 octobre dernier, l'AMF jugeait très insatisfaisantes les conditions de son déroulement et accusait le gouvernement de ne pas respecter ses engagements. Les discussions des dernières semaines ont encore été difficiles. Le CFL devait examiner le projet de décret lors de sa séance du 11 février.
Selon le projet de décret, la collectivité devra déposer une demande d'aide auprès du préfet, avant le 15 mars 2015. Le gouvernement notifiera sa décision dans un délai de trois mois suivant le dépôt de la demande. Comme le veut la loi, son versement sera subordonné à la conclusion préalable d'une transaction avec l'établissement prêteur et à l'abandon par la collectivité de toute action en contentieux. Les élus connaîtront avec certitude, avant la signature de la transaction, le montant de l'aide dont leur collectivité bénéficiera.
L'aide sera en effet versée par fractions annuelles. Mais elle pourra aussi être versée en une seule fois par anticipation, au plus tard le 1er juin 2015, aux collectivités qui déposeront une demande d'aide avant le 31 décembre 2014, dans la limite des crédits annuels disponibles.
En outre, dans une phase initiale, une part de l'aide allouée par le fonds de soutien pourra être versée à la collectivité pour lui permettre de faire face à une partie des charges financières relatives à des emprunts structurés n'ayant pas fait l'objet d'un remboursement anticipé. Il faudra pour cela que le taux d'intérêt des emprunts soit supérieur au taux d'usure (c'est-à-dire le taux d'intérêt maximum) fixé par la Banque de France.
Le montant de l'aide ne pourra dépasser 45% du montant de l'indemnité de remboursement anticipé. Il tiendra compte de plusieurs critères, notamment l'importance de la dette de la collectivité et la part des emprunts toxiques les plus dangereux dans cet encours total. Le potentiel financier par habitant sera aussi pris en compte. Cependant, la rédaction de l'article 1 du projet de décret relative au périmètre des emprunts structurés et instruments de couverture éligibles au fonds susciterait pas mal d'incertitudes, y compris chez les experts les plus avertis.
L'APECT (association Acteurs publics contre les emprunts toxiques) met par ailleurs le doigt sur ce qui constitue selon elle une faille dans le dispositif. En l'état du texte, rien n'empêche les établissements bancaires de gonfler artificiellement les indemnités de remboursement anticipé, dont le calcul est opaque et invérifiable. Si les banques (françaises ou étrangères) avaient l'intention d'en profiter, elles rendraient inefficace l'action du fonds et bénéficieraient facilement d'une véritable manne accordée les yeux fermés par le contribuable français. On rappellera en effet que l'Etat contribuera pour moitié à l'abondement du fonds, aux côtés des banques pour une autre moitié.
D'après l'APCET, l'examen par le CFL ce 11 mars du projet de décret permet d'envisager le versement des premières aides du fonds "avant la fin de l'année". Reste à savoir si les établissements bancaires - la Société de financement local la première - et les collectivités parviendront à des transactions sur le devenir des prêts structurés, étape préalable à l'octroi des aides. Une partie des élus locaux pourrait préférer la voie des tribunaux, une issue qui a déjà été couronnée de succès à plusieurs reprises. Ils ont d'ailleurs été confortés dans cette voie par une récente décision du tribunal de grande instance de Nanterre, favorable à la ville de Saint-Maur-des-Fossés.
On notera que le CFL a approuvé également, lors de sa réunion, un projet de décret qui encadre les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent souscrire des emprunts structurés, "afin de les protéger des risques" que font courir ces produits financiers. Le texte vient préciser la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
Commentaires