Najat Vallaud-Belkacem a adressé le 25 avril un courrier présentant ses priorités en matière de politique de la ville aux maires nouvellement élus des communes engagées dans l'un des 2.500 contrats urbains de cohésion social (Cucs). Elle y rappelle les grands principes et le calendrier élaborés par son prédécesseur, et y ajoute un focus sur la création d'emplois.
Tout d'abord, un objectif : "Aujourd'hui, 18 points séparent le niveau d'emploi entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire. J'aurai pour objectif de créer les conditions pour réduire de moitié cet écart dans un délai de 5 ans." On notera au passage la référence aux ZUS (750 aujourd'hui) sensées disparaître avec la nouvelle géographie prioritaire.
Pour cela, la ministre entend intervenir sur cinq dimensions.
La première étant d'investir "massivement". Dans ce cadre, elle annonce par ce courrier que "en lien avec le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), l'Etat, avec le programme des investissements d'avenir, et la Caisse des Dépôts consacreront sur 2014-2020 une enveloppe de 600 millions d'euros pour lever des investissements privés et co-investir dans des projets structurants comme des pépinières d'entreprises ou des maisons de santé". Le nouveau ministère n'a pas encore tranché sur les quartiers qui en bénéficieraient : les futurs quartiers Anru ou les futurs quartiers prioritaires. C'est fin mai que la ministre annoncera son choix.
Rappelons qu'en février dernier, Pierre Sallenave, délégué de l'Anru, avait assuré que toute future convention Anru aurait désormais son volet développement économique dans lequel s'engageraient des investisseurs locaux, sur des projets d'immobilier d'entreprise notamment. Investisseurs locaux qui pourraient entrer au capital de sociétés, de type "Sem", où figureraient également l'Anru (comme l'y autorise désormais la loi Lamy dans son article 3), ainsi que des collectivités locales, la Caisse des Dépôts, Action Logement, des bailleurs sociaux.
On savait donc déjà que l'Anru mettrait dans ces sociétés 250 millions d'euros au titre des investissements d'avenir (hors les 5 milliards d'euros fléchés par le NPNRU) avec un effet levier attendu de "plusieurs milliards d'euros". L'idée étant que l'investisseur privé ait le sentiment d'être "dans la même barque" que la puissance publique, avait-il alors expliqué, se sentant de ce fait véritablement accompagné. Cet accompagnement se traduisant par des projets visant à une bonne accessibilité des futures entreprises via "des moyens de transports de proximité" (stations de bus, de tramway…), des mesures sécuritaires "s'il y a lieu…", ou encore la présence de "petits restaurants" pour la pause déjeuner des salariés.
Justement, dans son courrier, la ministre rappelle également que l'Epareca (Etablissement public pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux) engagera 75 millions d'euros "dans les années à venir" pour développer le commerce de proximité considéré comme "vecteur d'emploi autant que de lien social".
Quant au devenir des zones franches urbaines (ZFU), elle se contente de rappeler que, conformément à la loi Lamy (art. 28), elle présentera "à l'été" un rapport au Parlement sur les actions en faveur du développement de l'activité et de l'emploi dans les quartiers.
Créer les conditions d'une mobilisation systématique des outils de droit commun vers les quartiers prioritaires est la deuxième dimension sur laquelle entend intervenir Najat Vallaud-Belkacem, en comptant sur l'appui de son collègue François Rebsamen, ministre du Travail, de l'Emploi et du Dialogue Social. Elle a rappelé que des "engagements avaient été pris en 2013 pour renforcer l'accès des résidents des quartiers prioritaires aux contrats aidés classiques (notamment du secteur marchand), emplois d'avenir, ou au dispositif Nacre (création d'entreprise)", faisant référence à la convention d'objectifs pour les quartiers prioritaires signée jeudi 25 avril entre François Lamy et Michel Sapin . Un point d'étape serait organisé "à la rentrée", annonce-t-elle, consciente que la montée en charge des emplois francs notamment n'est "aujourd'hui pas satisfaisante" (130 emplois francs ont été signés au cours des dix premiers mois d'expérimentation, pour un objectif de 10.000 en trois ans !). A ce propos, la ministre a missionné Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes, pour établir "avant la fin du mois de mai" un "diagnostic précis" sur les difficultés de montée en charge du dispositif.A signaler également que la ministre a insisté sur "la nécessité de promouvoir et de développer l'alternance pour ces publics".
La troisième dimension que Najat Vallaud-Belkacem porte sur la "pleine implication" du service public de l'emploi dans la négociation et la mise en œuvre des contrats de ville. La ministre assure qu'une plus forte territorialisation sera déployée via l'application de la convention signée entre Pôle emploi et le SG CIV, le 30 avril. Convention qui aurait "déjà permis de grandes réalisations, comme l'allocation de 400 ETP sur les 2.000 supplémentaires qui ont été réservés pour les agences les plus concernées par la politique de la ville, ou l'ouverture d'une antenne de Pôle emploi à Clichy-sous-Bois".
Soutenir les projets de création et de développement des entreprises est sa quatrième dimension. Pour cela "bpifrance mettra en place d'ici l'été un dispositif spécifique pour les créateurs d'entreprises dans les quartiers prioritaires.
La cinquième dimension est la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi. "Je souhaite, sur cette question des actions collectives contre les discriminations, avancer en étroite concertation avec les partenaires sociaux", a-t-elle indiqué aux maires, laissant entendre que "la grande conférence sociale de l'été prochain pourra en être l'occasion". Elle entend également développer "tous les dispositifs de parrainage, qui permettent de révéler à des professionnels le talent et les compétences des jeunes de ces quartiers, et facilitent l'accès à l'emploi pour des jeunes qui manquent de réseaux dans les entreprises". Elle envisage enfin une étude "pour éclairer l'écart du taux d'activité entre les hommes et les femmes qui atteint des records dans ces zones", sachant que, selon le dernier rapport de l'Onzus, "40% des femmes de ZUS ne sont pas seulement sans emploi mais se sont retirées de la vie active".
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