La Commission Européenne vient d’ouvrir une enquête contre l’optimisation fiscale de la société Apple en Irlande : il s’agirait d’une aide d’état illégale au regard du droit européen.
Cette décision est triplement intéressante et ouvre une perspective : la réforme du système des amendes pour non-respect des directives européennes.
D’abord, la lutte contre l’optimisation fiscale commence par les multinationales dont on dit souvent qu’elles sont plus puissantes que les états. La commission ouvre une enquête contre Apple, car cette dernière n’a payé que 2 % d’impôts sur ses bénéfices en Irlande. Les entreprises Starbucks et Fiat seraient également concernées.
Après la condamnation de BNP aux Etats-Unis, l’Union Européenne commence à s’intéresser aux agissements d’une multinationale américaine. On peut faire deux analyses. La première est un simple retour des choses : « Vous vous attaquez à une entreprise française, on va s’occuper de vos entreprises. »
La deuxième, complémentaire à la première, est bien plus positive : les états ont enfin compris qu’ils pouvaient contraindre les multinationales à respecter des normes fiscales, sociales, financières ou environnementales.
La marque à la pomme plus forte que la France, mais plus faible que l’Union Européenne ? BNP, plus forte que la France, mais plus faible que les Etats-Unis ?
Le deuxième point positif est de permettre aux États d’avoir de nouvelles recettes fiscales. En tendance longue, avec la liberté des capitaux et la concurrence entre les états-membres, le taux d’impôt sur les sociétés s’est réduit dans les sociétés européennes. Cette tendance pourrait donc s’inverser partiellement et assurer de meilleures recettes pour les Etats-membres. En effet, ce sont aussi les états qui sont attaqués pour non-respect des règles sur les aides. Le dumping fiscal est donc considéré comme anti-concurrentiel. Le Pays-Bas, le Luxembourg et l’Irlande sont potentiellement visés.
Dans le même temps, Obama a pris des mesures pour éviter que les opérations de fusion-absorption des entreprises américaines leur permettent d’échapper à la défiscalisation de leur bénéfice. Ces mesures, critiquées par le camp républicain, s’inscrivent bien dans cette tendance d’augmenter les recettes fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés.
Le troisième point est l’utilisation d’un nouvel outil pour permettre l’harmonisation et la convergence entre les Etats-membres. Cette solution est la menace de la sanction et pourrait s’appliquer à bien d’autres champs que le simple respect des règles budgétaires.
Ainsi, la sanction contre l’Irlande sur son imposition très avantageuse n’aura pas besoin d’être effective : la simple menace pourrait inciter ce pays à réformer sa fiscalité. Effectivement, selon un article du Monde, l’Irlande envisage de réformer son impôt sur les sociétés.
A terme, le non-respect de critères sociaux, tel que la présence d’un SMIC, pourrait être pénalisé de la même manière. Il est important de noter que la simple menace, crédible, peut suffire.
Ce point sur la menace de sanctions fera hurler les souverainistes, mais si l’on veut construire une Europe plus protectrice et avec une harmonisation minimale, il faut se donner les moyens de contraindre les États-Membre. De plus, une menace de sanction basée sur un règlement européen voté collectivement reste démocratique, ce qui n’est pas le cas de la Troïka…
Néanmoins, pour rendre ces menaces de sanction crédibles, il faut réformer le système des amendes contre les Etats-membres. En effet, l’organisation actuelle des amendes présentent deux défauts : un délai bien trop long et un montant trop réduit.
Les amendes sont très longues à être effectives. Il aura fallu plus de 20 ans entre le vote d’une directive sur les nitrates et la condamnation de la France. Elles perdent ainsi très fortement en crédibilité, puisqu’elles sont bien trop lointaines. Un peu comme si on disait à un enfant : « tu seras privé de dessert à Noël 2019 pour ne pas avoir fait tes devoirs en juin 2011″…
De plus, comme l’amende est trop tardive, le gouvernement qui paiera n’est pas celui qui ne respecte pas la directive. C’est donc comme si on disait à un enfant : « ton neveu sera privé de dessert à Noël en 2020, parce que tu ne fais pas tes devoirs en 2014″…
Il y a mieux comme sanction crédible et intelligente…
Le deuxième défaut est le niveau de l’amende bien trop faible : seulement 20 millions d’euros pour défaut de contrôle de pêche dans la vente de merluchons (pour les incultes, c’est donc un poisson). Ce montant est, certes, cohérent par rapport au sujet de la réglementation non-respectée, mais s’avère bien trop faible par rapport au budget de la France. Pour faire une comparaison, cela équivaudrait à une amende de 5 centimes pour une personne qui gagnerait 2500 euros par mois.
Il est donc urgent de rendre plus fréquente ces amendes contre les Etats-membres, d’augmenter leur montant et de les appliquer plus rapidement. Cela permettrait de leur donner ce nécessaire rôle d’harmonisation : elles pourraient rester à l’Etat de menace et suffiraient pour faire changer les lois dans les Etats-membres.
A cette réforme, il faut réfléchir à manière d’utiliser cette dépense issue de cette nouvelle recette : Une ressource propre pour le budget Européen ? Une augmentation des aides européennes, donc en cohérence avec les objectifs stratégiques pour l’Union Européenne ? Des investissements dans le domaine écologique ?
Cette augmentation des aides européennes pourrait être en faveur du pays condamné. Ainsi, la sanction ne serait pas vue comme une pénalisation de l’Europe contre un Etat, mais bien comme une sanction pour non-respect d’une règle démocratiquement votée.
source : Benoit Bloissère ( sauvons l'Europe)
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