Le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement a tenu mardi une conférence de presse sur la situation des filières agricoles, et en particulier des filières d’élevage.
En effet, la crise à laquelle font face les différentes filières d’élevage s’inscrit désormais dans la durée. A une crise économique, de dimension européenne et internationale, survenue ces derniers mois dans les filières porcine, viande bovine et laitière, sont venus s’ajouter l’épisode de sécheresse de cet été, ainsi que deux crises sanitaires majeures : la Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) qui touche les élevages bovins, ovins et caprins, et, depuis le 25 novembre, l’émergence de l’influenza aviaire dans le grand Sud-Ouest de la France touchant la filière volailles, et en particulier les palmipèdes.
Le Gouvernement a pris des mesures dans le secteur porcin dès le mois de février avec la mise en place des premières cellules d’urgence départementales. Il a adopté un plan de soutien à l’élevage français le 22 juillet dernier, complété le 3 septembre. Ce plan mobilise des moyens importants (plus de 700 millions d’euros sur 3 ans, dont 150 millions d’euros d’allègement de charges sociales (MSA) et bancaires (FAC)), auxquels se sont ajoutés près de 63 millions d’euros de crédits européens dans le cadre de mesures décidées à la demande de la France.
Le plan de soutien à l’élevage français, indispensable pour soulager les trésoreries des éleveurs, permettre des restructurations de dettes exceptionnelles jusqu’à des années blanches d’emprunt pour les exploitations les plus en difficulté, et mobiliser des moyens supplémentaires pour investir dans les exploitations et les abattoirs en particulier, est venu s’ajouter aux baisses de charges déjà mises en œuvre par le Gouvernement grâce au CICE et au Pacte de responsabilité et de solidarité.
Alors que 20000 demandes d’aide étaient attendues, c’est aujourd’hui plus de 40000 dossiers qui ont été examinés au sein des cellules d’urgence départementales animées par les Préfets. 15000 dossiers sont d’ores et déjà payés aux agriculteurs. Les services de l’Etat sont mobilisés pour traiter au plus vite l’ensemble des dossiers restants.
Au-delà des aides, la demande des agriculteurs est avant toute chose celle de vivre décemment de leur travail grâce à des prix rémunérateurs, ce qui n’est pas le cas actuellement pour la plupart des éleveurs porcins, bovins viande et lait en Europe, tous confrontés à de grandes difficultés. Certains producteurs de grandes cultures et de légumes sont également confrontés à des difficultés analogues dans un contexte de baisse des prix et de difficultés climatiques. Les prix à la production sont trop bas, souvent inférieurs aux coûts de production.
Face à cette situation, il est nécessaire de répondre à la détresse des agriculteurs et de leurs familles, comme à celle des salariés et des territoires qui en subissent les conséquences. Chacun doit prendre la part de responsabilité qui lui incombe, l’Etat d’une part, les clients, prestataires et fournisseurs des agriculteurs, en particulier les industriels de l’agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution d’autre part.
L’objectif général : redressement de la filière le plus rapidement possible, et efficacité des mesures sanitaires mises en œuvre pour une reprise de la production début mai, dans des conditions assainies.
Stéphane le Foll a reçu les représentants professionnels de la filière palmipèdes du Grand Sud-Ouest ce matin pour détailler avec eux :
- les mesures du plan d’assainissement et le calendrier de sa mise en œuvre,
- les palmipèdes présents dans les élevages iront au terme de leur cycle d’élevage, quel que soit le mode d’élevage ;
- le vide sanitaire doit combiner efficacité et l’impact économique le plus limité possible;
- les mesures seront mises en œuvre avec un objectif de reprise d’activité au début du mois de mai
- Un arrêté de gestion sanitaire sera finalisé et pris en fin de semaine prochaine, tenant compte des éléments validés avec les professionnels ce matin.
- des modalités d’indemnisation des pertes de revenu qui tiennent compte de la diversité des modes d’élevage. Ces indemnisations seront prises en charge par l’Etat et, pour partie, par des fonds européens.
- 130 millions d’euros serviront à indemniser les éleveurs et accouveurs concernés par les mesures du Grand Sud-Ouest pour compenser les pertes de revenus engendrées par la mise en œuvre du plan d’assainissement global de la zone touchée par l’influenza aviaire et passer le cap du vide sanitaire indispensable à une reprise de la production dans des conditions durables. Pour les accouveurs immédiatement touchés, une réunion technique est prévue dès ce soir pour établir le plan d’action pour pallier aux pertes immédiates.
- Les indemnisations complémentaires pour les entreprises (opérateurs autres que les éleveurs et accouveurs) seront précisées ultérieurement en utilisant les possibilités offertes par la réglementation européenne : report et exonérations de charges sociales et fiscale, avances de trésorerie concerneront les abattoirs, transformateurs, fabricants d’aliments et transporteurs.
Toutefois dès à présent, des dispositifs d’activité partielle et d’aide à la formation professionnelle seront proposés à tous les salariés des entreprises qui verront leur activité ralentir voire s’arrêter en raison de la période de vide sanitaire de la filière aval (abattage, transformation, transport…)
Pour les contrats commerciaux en cours nous sommes face à un cas de force majeure, les entreprises qui ne pourront pas honorer leurs contrats ne devront pas être sanctionnées.
Pour les négociations commerciales 2016, la date du 29 février ne pourra pas être respectée et devra donc être reportée
- Enfin, les investissements des éleveurs et des accouveurs qui seraient nécessaires dans ce contexte seront cofinancés par l’Etat, pour être en capacité de lever 220 millions d’euros d’investissement sur 5 ans. Le FEADER et les Régions y concourront.
Une rencontre avec Alain Rousset et Carole Delga, présidents des deux régions touchées, précisera le concours que pourront apporter les régions sur la question de l’aide à l’investissement et sur la formation professionnelle, de la responsabilité directe des régions.
2.FCO
- 35 M€ au total seront consacrés aux indemnisations de la FCO :
o 31 M€ pour indemniser les éleveurs du grand bassin allaitant dont les animaux ont été bloqués suite à la résurgence de la FCO, le temps que la vaccination soit mise en place, dont 25 M€ seront débloqués par l’Etat. Ce dispositif de soutien sera mis en œuvre en coordination avec les actions de FMSE (2 M€) et du concours du FNGRA à hauteur de 4M€ ;
o 4 M€ pour les commerçants en bestiaux effectivement impactés par les restrictions de mouvement des animaux.
Rappel : l’objectif de la vaccination est celui de maintenir les flux à l’exportation au maximum, et dorénavant, il faut se mettre en mesure de préparer la période de remise à l’herbe des animaux.
3. Des mesures d'indemnisation des éleveurs touchés par la sécheresse de l'été 2015
- 22 départements ont d’ores et déjà été reconnus en totalité ou partiellement en situation de calamité agricole à la fin de l’année 2015. La mobilisation des services de l'Etat et des professionnels a permis le versement des premières avances aux éleveurs avant la fin de l'année 2015.
- Les reconnaissances se poursuivent début 2016 sur la base des éléments qui continuent d'être remontés par les départements.
- Une mission d'expertise va se rendre prochainement dans les régions où certaines zones n'ont pas été reconnues, afin de comparer les données recueillies localement et celles disponibles par des méthodes alternatives (télédétection et enquêtes statistiques régionales). Son rapport sera remis avant la fin du mois de février, tandis qu’un bilan précis des aides accordées à l'ensemble des éleveurs touchés par la sécheresse sera établi.
4.Le Gouvernement renforce ses mesures de soutien aux éleveurs et aux agriculteurs en difficulté
- Compte tenu de la persistance de la crise, une crise de marché principalement, qui touche l’offre mondiale, trop abondante, les mesures conjoncturelles de soutien annoncées le 3 septembre dernier, doivent être renforcées et pour certaines étendues aux filières végétales qui rencontrent des difficultés.
- Un complément au PSE pour un montant de 125 millions d’euros.
o 50 M€ de Fonds d’allègement des Charges (FAC)
o 50 M€ de prises en charge de cotisations MSA
o 25 M€ pour prolonger l’année blanche jusqu’au 30 juin 2016 l’étendre à d’autres producteurs également en difficulté (céréaliers, notamment dans les zones les moins fertiles, et les producteurs de légumes)
- Des aides de trésorerie (ATR) dans l’attente du paiement des aides de la PAC, conformément aux demandes de certains présidents de régions.
o De la même manière que pour les aides directes (DPB, ICHN) des avances de trésorerie seront mises en place en avril 2016, pour les MAEC, les mesures de soutien à l’agriculture biologique ainsi que les aides couplées végétales et le paiement de l’assurance-récolte.
o Cela représentera une avance de trésorerie d’environ 500 M€.
5.Les entreprises de la transformation et de la distribution doivent assumer leur part de responsabilité
- Des négociations commerciales tenant compte des coûts de production
o J’appelle solennellement les entreprises de l’agroalimentaire et de la distribution à la responsabilité, afin de permettre une meilleure prise en compte des coûts de production dans les prix pratiqués, et afin de construire des relations commerciales plus durables,
o Les ministres en charge de l'économie et de l'agriculture veilleront au respect des règles établies pour le déroulement de ces négociations et sanctionneront tout abus conformément à la loi.
o J’appelle les représentants des filières bovine, porcine et laitière à revoir les modes de rémunération des éleveurs pour tenir compte des niveaux de qualité demandés par l’aval des filières et les consommateurs
o Je salue l’initiative de regroupement des 5 groupements de producteurs bretons, pour regrouper leur offre et peser dans les négociations commerciales
- Le développement de la contractualisation dans les filières alimentaires
Ce travail des filières est indispensable pour une meilleure organisation des acteurs entre eux, la sécurisation des producteurs, la gestion de la volatilité, couplé à un travail sur l’amélioration de la qualité et d’une meilleure prise en compte de la valeur ajoutée… L’Etat est là pour accompagner, sur la mise en place des formes de contractualisation abouties, au travers de la mise en place des caisses de sécurisation, en revanche, l’Etat ne peut pas décréter ce type d’organisation, cette dynamique doit venir des acteurs des filières.
- L'utilisation par les industriels des dispositifs de soutien de marché
o J’appelle également les professionnels de l’abattage-découpe et de la transformation à se saisir davantage des outils mis à leur disposition.
o D’une part, les moyens supplémentaires en soutien à l’investissement dans l’abattage-découpe de viandes sont encore loin d’être totalement engagés (12 millions d’euros sur 50 disponibles. C’est effort d’investissement est indispensable, c’est là que se trouve le problème de compétitivité vis-à-vis de nos concurrents, davantage qu’à l’échelon des producteurs.
o D’autre part, la France a obtenu la mise en place de mécanismes européens de stockage privé, pour le porc et la poudre de lait, qui doivent permettre de désengorger le marché (seulement environ 2000 tonnes de porc stockées en France sur un total de 90 000 tonnes stockées dans l’UE, dont la moitié par l’Allemagne et l’Espagne). Devant la forte utilisation rapide en particulier par l’Allemagne et l’Espagne des mesures d’aides au stockage privé, la Commission européenne envisage de stopper cette mesure.
o Je demanderai la réouverture de la mesure de stockage privé au prochain Conseil des Ministres de l’agriculture du 15 février .
- La mise en avant de l'origine France par les industriels et la distribution
o Le Gouvernement encourage les opérateurs à répondre à la demande des consommateurs en utilisant la mention volontaire de l'origine, avec l'apposition du logo "Viandes de France" sur les produits frais et transformés. En effet, l’utilisation de ce logo est la bonne solution, pour prendre en compte la spécificité française d’avoir des animaux nés en France, et pas seulement abattus en France comme c’est parfois le cas ailleurs en Europe. Il permet de valoriser des viandes ‘nées, élevées, abattues, et transformées en France’.
o Le Ministre de l’agriculture propose la mise en place d’un pacte entre professionnels autour de l’utilisation de cet étiquetage Viandes de France.
o Puisque beaucoup me demandent de prendre un décret pour imposer l’étiquetage de l’origine des viandes dans les plats transformés, nous allons proposer un décret. Le gouvernement proposera donc un projet de décret en Conseil d’Etat pour étendre l’étiquetage de l’origine aux produits transformés et le notifiera à la Commission européenne. En effet, ça n’est pas par manque de volonté politique que nous ne l’avons pas fait jusqu’à présent, les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation ont d’ailleurs porté ce dossier à Bruxelles suite au ‘scandale des lasagnes’, puis aux côtés du Parlement européen qui s’est lui-même officiellement positionné sur la même ligne en février 2015. Le Ministre de l’agriculture proposera aux professionnels de venir rencontrer le Commissaire à la consommation pour échanger avec lui sur le décret proposé.
- La mise en place de fonds volontaires dans les filières
o Dans certains pays, des fonds privés d'aide aux éleveurs, alimentés par une contribution volontaire des distributeurs, ont été mis en place avec l'accord des autorités de la concurrence. Ces fonds financent un complément de revenu en période de crise ou des investissements des agriculteurs.
o Le Gouvernement invite les enseignes de la distribution à s'engager dans cette démarche, en concertation avec la profession agricole.
o Ce type d’initiatives, nécessairement volontaires de la part des acteurs, ne doit pas faire oublier la nécessité d’avancer en parallèle à la construction de relations commerciales plus durables.
6.L'Etat poursuivra le chantier de simplification des normes dans le secteur de l'agriculture qui seront présentées avant le SIA
L’ensemble de ces mesures complémentaires représentent un montant supplémentaire de 290 M€ et 500 M€ en avances de trésorerie. (Hors indemnisations entreprises autres que producteurs et accouveurs sur l’influenza aviaire qui seront complétées et chiffrées ensuite).
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