"Le long terme c'est vraiment le temps de l'agriculture, c'est le temps de la terre."
Pour Luc Moineville, la décision de la Caisse des Dépôts d'investir 6 millions d'euros dans la foncière Terre de Liens dont il est le gérant, est forte de symboles.
Une nouvelle étape vient d'être franchie pour la foncière, dont le métier est d'acheter des exploitations agricoles pour les mettre à disposition de nouveaux paysans tournés vers une agriculture raisonnée, solidaire ou bio : "On dépasse le cercle de militants actionnaires pour passer dans un deuxième cercle (…) C'est une véritable reconnaissance", s'est-il félicité, le 3 mars au Salon de l'agriculture, à l'occasion de la signature de cet accord inédit à plus d'un titre. Pour la Caisse des Dépôts tout d'abord, qui faisait ainsi sa première apparition dans la "plus grande ferme de France". "C'est une grande première (…) Nous avons plaisir à entrer pleinement dans un monde un peu nouveau pour la Caisse des Dépôts plus connue pour ses actions dans le logement social ou les grandes infrastructures, a déclaré Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local de la Caisse des Dépôts. Cela traduit l'engagement pris lors de la COP 21, être un opérateur de référence des transitions écologique et énergétique de notre pays." Elle a aussi loué dans Terres de Liens "un maillon essentiel dans la lutte contre la disparition des exploitations de taille moyenne".
Créée en 2006, la foncière Terre de Liens tenait pour ses dix ans son premier stand sur le salon. Aujourd'hui, elle collecte entre 4 et 10 millions d'euros issus de particuliers ou de fonds d'épargne salariale. Une somme utilisée pour acheter des terres et les soustraire à la spéculation foncière en pérennisant leur vocation agricole. L'investissement de la Caisse donnera une visibilité à long terme, alors que l'épargne, elle, peut être retirée chaque année...
La foncière pourra ainsi assumer ses "deux priorités", a insisté Luc Moineville : "garantir l'épargne de ses 12.000 actionnaires et être le bailleur rural de 122 fermes et 202 paysans." 97% d'entre eux sont impliqués dans des circuits courts. Et à ce titre, ils sont beaucoup moins exposés à la grave crise qui sévit aujourd'hui. C'est donc un véritable modèle alternatif qui est proposé. Et il n'est pas pour déplaire à la députée écologiste de la Dordogne Brigitte Allain, "marraine" de cet événement, elle-même ancienne agricultrice. Car il y a selon elle un "lien" entre le travail de Terre de Liens et sa proposition de loi visant à "favoriser l'ancrage local de l'alimentation" adoptée par les députés à l'unanimité le 14 janvier et "sabotée" par le Sénat. Ce texte s'appuie sur la restauration collective qui assure "11 millions de repas par jour en France, c'est énorme", a-t-elle rappelé. Pour parvenir à l'objectif de 40% de produits locaux d'ici à 2020 fixé par la proposition de loi, "il va falloir être inventif, créer des plateformes, des légumières, des abattoirs de proximité…". "On va avoir des formes d'installations qu'on n'imagine pas encore", a-t-elle prédit, avant peut-être qu'un jour l'Union européenne se décide à avoir "une politique agricole et alimentaire commune". Seule déconvenue : en commission, les sénateurs viennent de supprimer la référence à l'objectif de 20% de produits bio. Un coup dur venu du sénateur UDI du Lot-et-Garonne Henri Tandonnet.
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