Aussi, Guy Chambefort écrit-il à Jean Pierre Raymond, président de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment/Allier-Moulins.
Moulins le 8 Août 2008
Monsieur le Président,
Je tiens à attirer votre attention sur le statut de l'auto-entrepreneur créé dans le projet de loi de modernisation de l'économie.
Le groupe socialiste radical et citoyen de l'Assemblée Nationale a choisi de fortement s'y opposer. En effet, ce statut autorise l'exercice de toute activité sans contrainte et sans précaution, ce qui fragilise les artisans et plus généralement les PME et TPE. L'absence d'inscription obligatoire des auto-entrepreneurs au répertoire des métiers est le symbole de la construction d'un statut à part, source de recul pour la sécurité des consommateurs, et d'une concurrence tirée vers le bas. Cette dernière est donc faussée.
1 – L'illusion de l'entreprenariat facile.
Le gouvernement fait croire que n'importe qui, en conservant son travail de salarié, ou sa pension de retraite, peut devenir son propre employeur, sans effort. Or, il construit ainsi un statut qui accentue la précarité et qui pourra même être utilisé par certaines entreprises pour externaliser des activités et ainsi venir concurrencer des PME de l'artisanat et des services. En précarisant un peu plus ceux qui sont déjà en difficulté, en abaissant les coûts sociaux des seuls, auto entrepreneurs, le gouvernement entraîne toutes les entreprises dans une concurrence négative et dangereuse pour leur survie.
2 - Le mépris de l'artisanat
En permettant à n'importe qui de faire n'importe quoi, ce statut remet en cause l'histoire des métiers. Génération après génération, gouvernement après gouvernement, des efforts considérables ont été faits pour améliorer la formation et la qualification des artisans, validées par un CAP, un BEP, par l'apprentissage ou par des formations post baccalauréat. Chacun reconnaissait que l'exercice de ces métiers, du fait de leur technicité, nécessite une grande qualification.
Or, avec la création du statut de l'auto-entrepreneur, le gouvernement et sa majorité rejettent d'un revers de manche cette qualification au nom d'une pseudo simplification de la vie de l'entrepreneur individuel. Il ne suffit pas de dire que l'on est entrepreneur pour l'être. L'artisanat oblige une compétence pour faire naître la relation de confiance entre l'artisan et le donneur d'ordre. Rejeter cela, par un statut à minima est extrêmement grave et montre le mépris à l'égard de ceux qui ont été formés et qui assurent aujourd'hui les formations.
3 – La trahison à l'égard des entrepreneurs de notre pays
Les artisans vertueux, qui paient leur taxes, forment des apprentis et ont reçu un agrément, vont être confrontés à une concurrence déloyale, menée par des gens qui s'improviseront entrepreneurs et casseront les prix, sans référence de formation, sans immatriculation au registre.
4 – Rupture de la confiance entre le client et l'artisan.
Comment un client pourra t-il vérifier la compétence de celui qui effectue les travaux ? Comment le client aura-t-il une garantie de
bonne fin de travaux avec quelqu'un dont il ignore s'il est inscrit sur un registre en tant que responsable d'entreprise ? Ces quatre points ont notamment conduit les députés socialistes radicaux et citoyens à lutter contre la création du statut de l'auto – entrepreneur qui dévalorise les entrepreneurs et organise une concurrence déloyale à leur endroit.
Ces arguments n'ont pas été entendus par la majorité. Celle-ci privilégie l'abandon de toute régulation, même interne aux professions artisanales et commerciales. La fuite en avant libérale amène la fin de la transparence, avec l'abandon de l'obligation d'immatriculation.
Il s'agit comme l'a expliqué le secrétaire d'État Hervé Novelli de permettre à de nombreux travailleurs au noir de s'inscrire dans la légalité, de permettre le cumul d'un emploi salarié avec un emploi non salarié ainsi que le cumul emploi - retraite.
Au contraire de ces choix, nous pensons que la priorité de la politique de la France doit être de favoriser le développement d'activités artisanales à forte compétence professionnelle, d'entreprises de taille moyenne qui offrent des emplois de qualité et sont capables de conquérir les marchés extérieurs. Le statut de l'auto – entrepreneur contredit ces objectifs en fragilisant les artisans et les PME existantes. C'est le signe d'une politique sociale dérégulée qui fait de la concurrence sauvage le lot d'avenir des artisans.
Nous ne pouvons soutenir cette politique dangereuse à terme pour les entreprises et pour notre économie, qui donne l'illusion du dynamisme et ne reflète que l'abandon des ambitions. C'est la raison pour laquelle nous souhaitions vous alerter.
En vous remerciant de bien vouloir faire connaître ma position au membre de votre chambre consulaire,
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de ma considération distinguée.
Guy Chambefort, député de l'Allier
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