Le gouvernement et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale sont parvenus à un accord dans la nuit de mercredi à jeudi sur un assouplissement de la loi française de lutte contre le tabagisme afin d'éviter, par exemple, que Jacques Tati soit privé de sa pipe sur une affiche d'exposition consacré au cinéaste.
Après un long débat, le groupe socialiste a finalement décidé en séance de retirer sa proposition de loi qui proposait d'assouplir la loi Evin de 1991 de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Cette loi, qui porte le nom du ministre de la Santé de l'époque, le socialiste Claude Evin, encadre strictement la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac et de l'alcool.
La proposition de loi du député socialiste Didier Mathus avait pourtant été adoptée à l'unanimité le 19 janvier par la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée.
Mais en séance publique la secrétaire d'Etat à la Santé, Nora Berra, a vivement critiqué le texte, estimant qu'il "constitue un danger par une manière détournée de porter une première atteinte à la loi Evin".
"Inscrire les dispositions proposées dans cette proposition de loi dans le code de la santé publique constituerait une brèche irréversible", a-t-elle affirmé. "Nous devons rester extrêmement vigilants face aux stratégies développées par l'industrie du tabac pour faire reculer le cadre législatif français de prévention du tabagisme", a-t-elle averti.
La secrétaire d'Etat s'est engagé a préparer, en concertation avec les différents groupes de l'Assemblée, une circulaire ministérielle afin qu'elle soit "opérationnelle" d'ici une quinzaine de jours. Une circulaire, a-t-elle précisé, qui devra "permettre de protéger le patrimoine artistique sans pour autant baisser la garde par rapport au tabagisme".
Après une longue suspension de séance, le groupe PS par la voix de l'auteur de la proposition de loi, Didier Mathus, a accepté l'offre et a retiré son texte tout en soulignant qu'il le présenterait à nouveau si la circulaire ne lui donnait pas entière satisfaction.
Le député PS de Saône-et-Loire a estimé que cette loi Evin avait été interprétée ensuite de "manière extensive" et "caricaturale".
- Il a rappelé ainsi que La Poste a émis en 1996 un timbre en hommage à André Malraux reproduisant une photo célèbre de la portraitiste Gisèle Freund où la cigarette de l'ancien ministre de la Culture du général de Gaulle ne figure plus entre ses lèvres.
Sur la catalogue de l'exposition de la Bibliothèque nationale de France consacré à Jean-Paul Sartre en 2005, la cigarette a été gommée, laissant un vide entre ses deux doigts.
En 2009, la RATP a modifié l'affiche de l'exposition consacrée à Jacques Tati, l'auteur des Vacances de M. Hulot, pour le priver de sa pipe remplacée par un petit moulin à vent.
L'auteur de la proposition de loi a multiplié les exemples avec des affiches comme celle du film "Gainsbourg, vie héroïque" de Joann Sfar, ou celle de "Coco avant Chanel" d'Anne Fontaine, où tous deux figurent sans leur cigarette.
Pour Didier Mathus, une telle application de la loi Evin aux oeuvres culturelles "a conduit à une véritable autocensure de la part des services juridiques et de communication des entités concernées, illustrant la crainte injustifiée de poursuites judiciaires".
"Cette dérive conduit à la suppression d'éléments importants de l'histoire culturelle, l'illustration du tabac n'ayant pas vocation ici à inciter le citoyen à la consommation mais faisant partie intégrante de l'oeuvre culturelle", estime le député PS.
Source : lepoint.fr/reuters-emile picy-marine pennetier
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