Les plans sociaux annoncés masquent la montée en puissance des ruptures conventionnelles. Une procédure parfois détournée de son objectif d'origine et qui peut s'apparenter à un licenciement économique.
Deux études, l'une du Centre d'études de l'emploi et l'autre du ministère du Travail, permettront bientôt d'en mesurer l'ampleur.
45.000 emplois seraient menacés par les plans sociaux selon la CGT. Des chiffres jugés dans la foulée "réalistes" et "crédibles" par les ministres du Travail et du Redressement productif, Michel Sapin et Arnaud Montebourg. Le syndicat fournit ainsi une liste d'une cinquantaine d'entreprises parmi lesquelles PSA, Renault, Fralib, Arcelor-Mittal… Mais pour la patronne du Medef, l'idée d'une déferlante de plans sociaux est à prendre avec beaucoup de précaution. "Il n'y a pas à l'heure où je vous parle plus de plans sociaux qu'à la même époque l'année dernière", a-t-elle déclaré. Il n’y en pas plus que les années précédentes et leur nombre est orienté à la baisse depuis l’envolée des PSE en 2009 (plans de sauvegarde de l'emploi, nom officiel des plans sociaux) selon Laurence Parisot. Malgré cela le chômage augmente… (+6,5% en un an).
Les plans sociaux ne peuvent-ils donc pas expliquer à eux seuls les statistiques du chômage ? Tout d'abord, les employeurs ont commencé par se séparer des contrats précaires. "Les licenciements économiques représentent très peu par rapport aux fins de CDD et de contrats d'intérim, malgré leur médiatisation.
Ainsi en avril, l'emploi intérimaire a encore connu un recul de 11,2% par rapport à l'an dernier, selon les derniers chiffres du Prisme, un organisme qui représente les professionnels de l'intérim. Les régions industrielles du Nord-Est touchées de plein fouet par la crise enregistrent des records. Logiquement, les PSE sont obligatoires pour les licenciements collectifs de plus de dix salariés sur une période de trente jours. Lourds à mettre en œuvre, coûteux et mauvais pour l'image de l'entreprise, la tentation est forte d'utiliser d'autres voies, "comme le plan de départs volontaires, qui le plus souvent est intégré à un PSE et s'apparente à un chèque-valise", commente Raphaël Dalmasso, spécialiste du droit du travail associé au CEE. C'est par exemple le choix fait par PSA qui entend supprimer 1.900 postes en France cette année après s'être déjà séparé de 800 intérimaires l'an dernier.
Ce dispositif, créé par la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 avec l'assentiment des partenaires sociaux, partait d'un bon sentiment. Il permet en effet à l'employeur et au salarié de rompre leur contrat à l'amiable, sans motif particulier. Le succès ne s'est pas fait attendre : 800.000 ruptures conventionnelles ont été validées par les directions du travail (Direccte) à ce jour et les chiffres sont en pleine expansion, surtout dans les entreprises de moins de 50 salariés. Entre 2010 et 2011, elles sont passées de 255.000 à 290.000, selon les données du Ministère.
Or ces ruptures conventionnelles sont parfois dévoyées par les employeurs qui les utilisent à la place des licenciements économiques individuels ou collectifs, comme l'a montré un arrêt de 2011 de la chambre sociale de la Cour de cassation contre le transporteur Norbert Dentressangle. Ceci prive les salariés des avantages liés à un PSE (contrat de sécurisation professionnelle) ou à une GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences).
Difficile pour autant de connaître l'ampleur du phénomène, d'autant que le contentieux en la matière est presque inexistant. Le Ministère fournira dans les prochains mois des données statistiques précises sur l'utilisation des ruptures. "On a inventé un outil tout-terrain qui fonctionne extrêmement bien, sert à tout et permet de rompre un contrat de travail très facilement. Ce qui perturbe les autres modes de ruptures de contrat de travail, le droit du licenciement et le droit de la démission", analyse Raphaël Dalmusso qui a contribué à l'étude du CEE pilotée par l'inspectrice générale des affaires sociales, Dominique Méda.
Enfin, un autre phénomène pourrait expliquer les mauvais chiffres de l'emploi : l'effet "boomerang" du chômage partiel fortement encouragé ces dernières années. "Dans certains car, le recours au chômage partiel a retardé les ruptures de contrat de travail, mais tôt ou tard, il y a des licenciements", avance Raphaël Dalmusso. Ces périodes de chômage partiel devaient être mises à contribution pour former les salariés et les préparer à une éventuelle reconversion, or pour l'heure aucune évaluation n'a été fournie.
Le "redressement productif" impose donc de s'intéresser à toutes les ruptures de contrats et pas seulement aux grandes entreprises. "Il va falloir s'organiser dans les régions et associer les collectivités et les partenaires sociaux", a promis Arnaud Montebourg dans une interview au quotidien Le Monde, daté du 31 mai.
Source : Localtis
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