Le projet de loi réforme le régime du temps de travail des salariés sur les heures supplémentaires, les repos compensateurs et les forfaits (jours et heures). Au-delà, il remet en cause le rôle protecteur de la convention de branche, pour renvoyer les négociations sur le temps de travail au niveau de l'entreprise, niveau le moins favorable aux salariés. Il n'a strictement rien à voir avec les 35 heures, qui servent aujourd'hui de prétexte pour augmenter indéfiniment le temps de travail de tous les salariés.
Dépassement des contingents d'heures supplémentaires et remise en cause des repos compensateurs
Il sera désormais possible d'augmenter le contingent annuel d'heures supplémentaires de chaque salarié au-delà de 220 heures (seuil aujourd'hui fixé par la loi), par simple accord d'entreprise représentant 30 % seulement des salariés, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord de l'inspection du travail.
Mais surtout, le repos compensateur obligatoire en cas de dépassement du contingent d'heures supplémentaires va disparaître de la loi. L'accord d'entreprise sera libre de déterminer la contrepartie en repos, qui pourra être dérisoire. Le repos compensateur, institué sous la droite en 1976, qui est une mesure de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, est rayé de la législation française.
Généralisation des forfaits annuels en jours et en heures
- Les forfaits annuels en heures, qui permettent aux employeurs de ne pas payer en heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, ne seront plus réservés aux cadres, mais étendus à tous « les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ». Cette formule vague pourra englober demain des millions de salariés, bien au-delà des seuls cadres.
Concrètement, un simple accord d'entreprise pourra à l'avenir contraindre des salariés, même non-cadres, à travailler jusqu'à 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives, soit à effectuer 417 heures supplémentaires, sans majoration ni repos compensateur.
- Les forfaits annuels en jours, réservés aux cadres et aux salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée, ne seront plus limités à 218 jours, mais à 235 jours. Et un simple accord d'entreprise pourra même porter ce nombre à 282 jours de travail sur l'année.
Concrètement, les cadres pourront se voir imposer demain de travailler 282 jours par an, soit tous les jours sauf les 52 dimanches, les cinq semaines de congés payés obligatoires et le 1er mai, avec une moyenne hebdomadaire de 80 heures, le tout sans aucune heure supplémentaire et aucun repos compensateur.
Les salariés livrés au rapport de force dans l'entreprise
Ces dispositions sont renvoyées à la simple négociation d'entreprise, alors qu'ils relevaient hier, dans des conditions plus strictes, de la loi ou de la convention de branche. Ainsi, ces reculs sociaux vont devenir des outils de compétition entre entreprises, dont les salariés feront les frais. Comment refuser une suppression des repos compensateurs quand on travaille dans une entreprise de moins de dix salariés ? Comment s'opposer à un forfait de 282 jours de travail par an quand la direction menace de délocaliser ou de supprimer des emplois ?
Ce texte institutionnalise la jungle...