Jeudi, en avance sur le calendrier, l'Assemblée nationale a achevé l'examen de la réforme de la garde à vue à la française, qui doit entrer en vigueur au 1er juillet. Le vote solennel a été avancé au mardi 25 janvier.
Le point sur les principaux changements actés par les députés. Le texte doit ensuite être examiné par le Sénat courant mars ou avril.
L'avocat présent tout au long de la procédure
Jusqu'à présent, l'avocat ne pouvait être présent que lors des 30 premières minutes de la garde à vue. Désormais, et c'est l'une des principales avancées du texte, le conseil pourra assister son client pendant toute la durée de la garde à vue. Seules "des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête" permettront au procureur de différer la présence de l'avocat. Toutefois des dérogations à ce principe ont été prévues dans l'article 7. L'arrivée de l'avocat pourra ainsi être différée de 12 heures en droit commun, de 24 heures en matière de crime organisé et de 72 heures dans les affaires de terrorisme.
Le "délai de carence"
Le texte institue également "un délai de carence", à savoir un laps de temps d'une durée de deux heures qui permet à l'avocat de se rendre sur le lieu de l'audition. Puisque, selon l'article 7, la personne gardée à vue peut désormais demander l'assistance d'un avocat lors de sa garde à vue, l'audition ne pourra donc pas commencer avant l'expiration de ce délai. Malgré cela, exceptionnellement et en cas d'urgence, l'audition pourra débuter avant sur autorisation du procureur.
La "police" de l'audition
Cet amendement a suscité un vif débat dans l'hémicycle, notamment entre Claude Goasguen et Jean-Paul Garraud, deux députés UMP. Il a finalement été décidé que si l'officier de police judiciaire (OPJ) estime que l'avocat "perturbe gravement" le bon déroulement d'une audition, il sera en droit d'en informer le procureur. Ce dernier pourra alors aviser le bâtonnier afin que soit désigné un nouvel avocat, choisi ou commis d'office.
Pas de valeur pour les déclarations sans avocat
L'amendement – adopté mercredi par 62 voix contre 2 – avait été proposé par le gouvernement. En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne pourra être prononcée contre une personne "sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui". Mais, là encore, des exceptions existent. En effet, une condamnation "peut bien évidemment être prononcée dès lors qu'il existe d'autres éléments de preuve ou lorsque la personne, alors qu'elle en avait la possibilité, n'a pas souhaité être assistée par un avocat".
Le droit à garder le silence
Supprimée en 2003, cette disposition a été rétablie par l'Assemblée nationale. Les enquêteurs ont donc l'obligation de notifier à la personne gardée à vue qu'elle a le droit de garder le silence. Ce droit – qui est annoncé en même temps que celui de l'assistance d'un avocat – ne s'applique qu'après avoir décliné son identité: son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, domicile ou résidence. "On augmente les droits de la défense sans renforcer ceux des enquêteurs. Je comprends que l'on s'adapte au droit européen, mais il aurait fallu aussi faire évoluer les outils à disposition de la police", a dénoncé Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat policier Alliance, sur 20 Minutes . Les enquêteurs demandaient notamment des dérogations dans les affaires de pédophilie ou les flagrants délits.
Par ailleurs, le gardé à vue pourra désormais prévenir à la fois sa famille et son employeur. Jusqu'à présent, il ne pouvait passer qu'un seul coup de téléphone. Il pourra également conserver "certains objets intimes", comme ses lunettes, en signant une décharge.
Le contrôle de la garde à vue
C'est l'un des principaux différends entre le gouvernement et la magistrature. L'Assemblée nationale s'est prononcée pour le maintien du régime actuel: la garde à vue est placée sous le contrôle du procureur de la République, lié au pouvoir politique puisque nommé par le président. Et non sous celui du juge des libertés et de la détention (JLD) qui a, lui, un statut indépendant, comme le proposait la commission des lois de la chambre basse du Parlement. Cette disposition est jugée contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) par des syndicats d'avocats et de magistrats. En 2010, la CEDH a condamné la France, jugeant que le parquet n'était pas une autorité judiciaire indépendante.
L'examen médical
Pour éviter tout abus, l'examen médical réalisé lors d'une garde à vue devra désormais se dérouler "à l'abri du regard et de toute écoute extérieurs". Une mesure décidée afin de respecter "la dignité de la personne humaine" et le "secret professionnel". Magistrat de formation, le député UMP Jean-Paul Garraud avait mis en garde contre "les risques" de cet amendement, notamment pour "un médecin qui va se retrouver seul à seul sans aucune protection face à un individu qui est dangereux". Finalement, pour répondre à cette inquiétude, les députés ont décidé que cette mesure devra s'appliquer "sauf décision contraire du médecin".
"L'audition libre" supprimée
Cette mesure devait mettre en place un système de garde à vue allégé, avec un interrogatoire sans avocat et sans limitation de durée. Mais, face aux nombreuses critiques, le gouvernement a finalement décidé mercredi de ne pas rétablir "l'audition libre", déjà retoquée en décembre dernier par la commission des lois de l'Assemblée nationale.
A lire dans son intégralité et son contexte ( lejdd.fr/A-Ch.d)
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