Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 10 mars, treize articles de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) adoptée au Parlement le 8 février. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'autant d'articles d'une loi sont censurés. C'est aussi un nouveau revers pour Nicolas Sarkozy et pour sa majorité, tant cette loi d'orientation devait permettre de traduire les orientations sécuritaires annoncées par le président de la République dans son "discours de Grenoble", le 30 juillet 2010.
De fait, le texte initial déposé par le gouvernement en mai 2009, qui comptait quarante-six articles, n'a cessé d'enfler au fil des lectures pour en comporter cent quarante-deux à l'arrivée. C'est sous l'impulsion du président de la République qu'un certain nombre de dispositions ont été intégrées après le discours de Grenoble.
Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré l'article permettant au préfet de procéder à l'évacuation forcée de terrains occupés illégalement. Une disposition introduite à la demande du chef de l'Etat, pour marquer sa volonté de procéder à des évacuations de campements de Roms, qui autorisait à procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent.
De même, le Conseil s'est opposé aux articles étendant aux mineurs l'application de "peines plancher" et autorisant leur comparution immédiate à la demande du procureur de la République sans saisir au préalable le juge des enfants. Il réaffirme ainsi la spécificité de la justice des mineurs, qui impose de prendre en considération leur personnalité et leur devenir.
L'INSTALLATION DE SALLES D'AUDIENCE AU SEIN DES CRA REFUSÉE
Censurées également, des dispositions accordant aux policiers municipaux des pouvoirs de police judiciaire, tels que la possibilité de procéder à des contrôles d'identité. Le Conseil a sérieusement encadré la possibilité de création de logiciels de "rapprochement judiciaire" permettant la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel recueillies à l'occasion d'enquêtes judiciaires. Ceux-ci ne pourront être autorisés que sur décision de l'autorité judiciaire et pour une durée de trois ans.
Le Conseil a aussi refusé l'installation de salles d'audience au sein des centres de rétention administrative, rappelant la nécessité de "statuer publiquement, c'est-à-dire qu'on n'installe pas des palais de justice à l'intérieur des prisons.
Enfin, la disposition réintroduisant une forme de "double peine" de telle sorte que le président de la cour d'assises demande aux jurés de se prononcer sur l'interdiction du territoire d'un condamné d'origine étrangère a été censurée.
En rendant cette décision lourde, le Conseil constitutionnel a mis un sérieux coup d'arrêt à un ensemble législatif qui, au milieu d'un vaste "fourre-tout", tentait de contourner à la fois la jurisprudence et des principes constitutionnels.
Source : Le Monde
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