Le bénéfice mondial consolidé, une niche fiscale qui permet à plusieurs grands groupes français de ne pas payer d'impôts sur les sociétés en France est dans le viseur de Jérôme Cahuzac, le président de la commission des finances de l'assemblée nationale.
Pour exemple, Total, qui a réalisé 10,3 milliards d'euros de bénéfices en 2010, ne paiera pas cette année d'impôt sur les sociétés.
Ce mardi 5 avril, Jérôme Cahuzac, le président PS de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a envoyé un courrier à François Baroin pour lui demander "des précisions" concernant le coût pour les finances publiques du Bénéfice mondial consolidé (BMC).
Cette niche fiscale, créée en 1965, bénéficie aujourd'hui à quelques grands groupes françaises parmi lesquels Total, Vivendi, NRJ Group ou encore Euro Media Group. Ce régime ultra complexe, qui nécessite un agrément du gouvernement, permet aux entreprises de déroger au principe de la territorialité de l'impôt.
Concrètement le BMC permet aux multinationales françaises d'intégrer fiscalement toutes les sociétés qu'elles détiennent en France à l'étranger. Les pertes des filiales étrangères peuvent ainsi être déduites des bénéfices des sociétés rentables pour le calcul de l'impôt. Une fois les impôts payés à l'étranger, l'entreprise peut ensuite les retrancher de ce qu'elle aurait théoriquement dû payer si elle avait été imposée en France. Une pratique qui n'est en fait avantageuse que dans deux cas : lorsque l'entreprise concernée réalise des pertes à l'étranger et des bénéfices en France, ou lorsqu'elle a payé plus d'impôts à l'étranger que ce qu'elle aurait payé en France sur ses bénéfices consolidés.
Toutes les entreprises qui ont opté pour ce régime n'en profitent donc pas systématiquement. Il n'empêche, ce dispositif coûte cher à l'Etat : dans certaines hypothèses en effet les entreprises se voient exonérées de l'impôt qu'elles auraient dû payer en France. Elles peuvent aussi bénéficier d'un crédit d'impôt sur les années suivantes. C'est notamment le cas quand l'entreprise a payé plus d'impôts à l'étranger que ce qu'elle elle aurait dû payer en France.
Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, le coût budgétaire du dispositif pour l'État "s'il a diminué au cours des dernières années, reste significatif : 302 millions d'euros en 2010 (contre 1,5 milliard en 2001)". Mais selon Jérôme Cahuzac, le coût réel de cette mesure pourrait être bien plus élevé. En 2009, 2010 et 2011, les estimations fournies par le gouvernement feraient en effet apparaître un manque à gagner pour l'Etat non pas de 302 mais de 461 millions d'euros.
Autre contradiction, le cas de Vivendi, dont on sait depuis longtemps qu'il est le principal bénéficiaire de cette niche. En 2010, le groupe aurait économisé à lui seul 580 millions d'euros grâce à l'effet du bénéfice mondial consolidé, selon le député. Soit bien plus que les 461 millions évoqués dans le PLF. Pour Jérôme Cahuzac il est donc urgent de publier pour chaque entreprise les allègements et crédits d'impôts dont elles ont profité depuis 2009. Le député souhait également connaître les "critères de traitement des demandes de prorogation du bénéfice" de cette niche. Total, Vivendi et NRJ Group doivent en effet demander d'ici à 2012 le renouvellement de leur agrément.
Lourd pour les finances publiques, l'avantage pour les entreprises paraît qui plus est "modeste au regard de leur chiffre d'affaires, de leurs résultats, du montant des dividendes et des stock-options à attribuer", estime Jérôme Cahuzac, qui se dit très choqué par le cas de Total. Depuis 2009 l'entreprise n'a pas payé un centime d'impôt sur les sociétés en France alors qu'elle est régulièrement en tête des profits du CAC 40. Une situation qui devrait se renouveler en 2011, alors que Total a annoncé 10,3 milliards de bénéfices. Selon Total, cette situation n'est pas le fait du bénéfice mondial consolidé mais la conséquence d'une activité française qui fait des pertes depuis plusieurs années...
Source : L’express
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