Les députés entament cette semaine, après les sénateurs, l'examen d'un projet de loi sur le contrôle des importations et des exportations d'armes classiques. Les répressions violentes contre les manifestations pacifiques dans nombre de pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient démontrent l'urgence de tenir un débat et d'adopter des mesures plus contraignantes sur le contrôle du commerce des armes.
Personne ne peut ignorer qu'en Libye ou à Bahreïn des armes classiques, fabriquées pour la plupart dans des usines occidentales, sont utilisées contre les populations civiles en quête de liberté. On peut raisonnablement penser qu'un débat public et systématique sur les exportations d'armes en France conduirait à plus de prudence et de responsabilité.
Le commerce des armes a besoin de règles strictes, qui s'imposent effectivement aux Etats et aux marchands d'armes, pour mieux évaluer et maîtriser les risques que ce commerce pas comme les autres présente naturellement. Pour les populations civiles prises au piège dans les conflits armés, il est crucial que les pays exportateurs se dotent d'une loi empêchant que des armes n'aggravent les conflits, la pauvreté et les violations des droits humains.
Pourtant, les sénateurs qui ont examiné et voté en faveur de ce projet de loi le mois dernier n'ont, semble-t-il, pas tiré les leçons du "printemps arabe". Le projet de loi sur les exportations d'armes tel qu'ils l'ont transmis à l'Assemblée nationale demeure silencieux ou imprécis sur des aspects pourtant essentiels pour garantir un contrôle efficace des exportations à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union européenne. Il ne permet pas non plus d'atteindre le niveau de transparence nécessaire dans l'exercice d'un contrôle démocratique effectif.
Enfin, le projet n'intègre pas suffisamment dans la législation française les engagements pris par la France au niveau européen, à travers une position commune européenne adoptée en décembre 2008, en matière de contrôle des armes conventionnelles. Celle-ci énonce huit critères que les Etats doivent prendre en compte pour décider d'exporter ou non du matériel militaire : en particulier, un Etat ne doit pas autoriser une exportation d'armes si celle-ci présente un risque clair de contribuer à la répression interne, à la déstabilisation régionale ou à des graves violations des droits humains ou du droit international humanitaire. Ce texte de référence n'a malheureusement toujours pas d'effet direct en droit français. Concrètement, le gouvernement français n'a aucun compte à rendre ni à ses élus, ni à ses citoyens, ni à aucun juge sur son application d'un texte pourtant juridiquement contraignant, et qu'il a poussé ses partenaires européens à adopter.
L'enjeu pour les députés aujourd'hui devrait donc bien être de combler ces lacunes en veillant d'abord à la transposition explicite des règles de la position commune dans le droit français. Il est impératif, ensuite, de permettre à la France de faire un saut qualitatif dans la transparence sur ses exportations d'armes et d'équipements militaires. Cela passe d'abord par les informations que le ministère de la défense doit transmettre à ce sujet aux parlementaires dans un rapport annuel. Aussi la loi doit-elle exiger que le rapport actuel soit profondément révisé : il doit être plus détaillé sur la totalité des licences d'exportation octroyées ou révoquées. Il doit également fournir des informations sur les types de matériels et les utilisateurs finaux, ainsi que les motifs mis en avant pour les licences révoquées.
En œuvrant pour ces évolutions, les députés permettront à la France de calquer ses pratiques nationales sur le discours qu'elle tient au niveau international sur le contrôle du commerce des armes. Ils éviteront aussi à notre pays d'aller à rebours de l'histoire.
Source : Afp
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