Les statistiques nationales des violences aux personnes sont en baisse. Pourtant, à Marseille, on recense en deux ans plus de quarante assassinats et vingt dans les premiers mois de 2010.
Depuis 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, a institué un schéma de communication imparable : réaction médiatique systématique et immédiate, puis annonce de séries de mesures aussi retentissantes que sans effet. Brice Hortefeux puis Claude Guéant ont reproduit la mécanique bien huilée de leur prédécesseur, avec un peu moins de talent. Tous ont œuvré à nous persuader qu'il était possible de mettre un terme à un mal profond et qui ne fait que s'étendre à coups de mesurettes.
Pour Brice Hortefeux ou pour Claude Guéant, le 21 novembre 2010 ou le 5 mai 2011, chaque tuerie a été prétexte à dévider les "rouleaux de sparadrap" : renflouement des effectifs, recentrage de l'action des forces mobiles, renforcement des services de renseignement, etc.
Ces annonces masquent la réalité : la purge continue des effectifs des policiers et des gendarmes dans le département des Bouches-du-Rhône et la détérioration de la sécurité publique dans l'agglomération de Marseille.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2002, 4 507 policiers dans les Bouches-du-Rhône ; en mai 2011, ils ne sont plus que 4 149. En 2007, 680 gendarmes ; aujourd'hui, 638. A Marseille, on compte 376 policiers de moins aujourd'hui qu'en 2007, alors même que la population a augmenté de 40 000 habitants. Et là où les effectifs n'ont pas baissé, les équipes ont été réorientées vers des taches supplémentaires ou leurs zones d'action élargies. Entre baisse globale et réorientation du personnel, les effectifs dédiés à la sécurité publique se sont dégradés bien davantage encore que le simple solde ne le laisse penser.
En conséquence, en 2010, les Bouches-du-Rhône et Marseille enregistrent une forte augmentation de la délinquance dans différents indicateurs (vols avec violence, trafic de stupéfiants, augmentation du nombre de plaintes, etc.). Et personne ne doute que les 195 vols à main armée perpétrés en 2010 soient dépassés en 2011, puisque 115 sont d'ores et déjà enregistrés.
Dans un tel contexte, que pèsent les annonces des différents ministres ? Disproportionnées (cinq spécialistes du renseignement en renfort pour une plaque urbaine d'un million d'habitants), rebattues (renforcement des équipes annoncé mais déjà prévu), éphémères ("fidélisation" de compagnies CRS durant quelques semaines seulement), lacunaires (39 adjoints de sécurité manquent encore aux 117 annoncés par Brice Hortefeux en novembre 2010), faussées (le renforcement des effectifs évoqué par Claude Guéant n'est en réalité que la conséquence de l'élargissement de la compétence territoriale de la police autour de Marseille), ces annonces successives sont peu suivies d'effets.
Les forces de sécurité des Bouches-du-Rhône appliquent au quotidien une politique aux objectifs aléatoires qu'elles n'ont pas les moyens de satisfaire. Les effectifs fondent et leur moral est atteint. Une illustration de la dynamique à l'œuvre dans le reste du pays ?
Source : Le Monde
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