Présenté ce matin en Conseil des ministres, le projet de loi « relatif au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé » passera devant le Parlement à la rentrée. Après un examen en commission à l'Assemblée le 13 septembre, il sera voté à l'automne en urgence (un seul passage dans chaque chambre). Il nécessitera ensuite 30 décrets d'application. Certains volets de la réforme -comme le renforcement des moyens de l'agence du médicament -seront intégrés dans les textes de loi budgétaires. D'autres - comme la politique de remboursement par la Sécurité sociale -ne relèvent pas des textes mais uniquement de la volonté politique.
Le rapport de l'Inspection des affaires sociales, publié le mois dernier, recommandait de supprimer purement et simplement la visite médicale, mais le gouvernement n'est pas allé aussi loin. Il se défend de « stigmatiser » les visiteurs, payés par les laboratoires pour promouvoir les médicaments auprès des médecins prescripteurs. Ils sont néanmoins clairement visés par le projet de loi. Dans les hôpitaux, la visite devra se faire collectivement, devant plusieurs médecins. Les tête-à-tête seront interdits, pour limiter les pressions et autres arrangements. Après deux ans d'expérimentation, cette mesure pourra éventuellement être étendue à la médecine de ville, mais ce sera plus compliqué, l'immense majorité des praticiens exerçant individuellement. En attendant, la charte qui régit la visite médicale en ville sera durcie. Le gouvernement pourra fixer des « objectifs chiffrés » d'évolution des effectifs de visiteurs pour certaines familles de médicaments. Ce qui reviendra à réduire la pression commerciale. Avec cette nouvelle arme, il ne s'agit plus de sécurité sanitaire. L'exécutif cherche, ici, à contenir les dépenses de médicaments, souvent plus élevées qu'à l'étranger (voir graphique).
Le scandale du Médiator a révélé le problème des prescriptions de médicaments « hors autorisation de mise sur le marché », c'est-à-dire pour des indications qui n'ont pas été approuvées lors de leur autorisation de mise sur le marché. La nouvelle loi n'interdit pas totalement cette pratique, indispensable dans certaines situations, mais le praticien devra alors le mentionner sur l'ordonnance. Comme c'est déjà le cas, le médicament n'est alors pas remboursé. Lorsqu'un usage hors autorisation de mise sur le marché trop important est constaté, le gouvernement demande au laboratoire pharmaceutique d'agir auprès des médecins pour régler le problème, sous peine d'amende.
Autre changement, les praticiens devront obligatoirement indiquer le nom de la molécule sur l'ordonnance (par exemple paracétamol), le nom de marque (Doliprane) étant facultatif.
La France voudrait que les nouveaux médicaments fassent la preuve de leur efficacité, non seulement par rapport à un placebo comme aujourd'hui, mais aussi par rapport au traitement de référence déjà commercialisé, lorsqu'il existe. Les procédures d'autorisation relevant de la réglementation européenne, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, se contentera de « porter le débat » à Bruxelles, a-t-il dit. En attendant, le gouvernement agira sur le remboursement, une prérogative nationale, lorsqu'il considérera qu'un produit ne représente pas une avancée thérapeutique suffisante. « C'est une arme extrêmement puissante. Un médicament non remboursé n'est pratiquement pas prescrit », assure-t-on au ministère de la Santé.
L'agence du médicament pourra conduire des « études de suivi des patients » et recueillir des « données d'efficacité et de tolérance ». Elle pourra pour cela accéder aux informations couvertes par le secret médical ou industriel, en particulier les bases de données de l'assurance-maladie, via un groupement d'intérêt public chargé de conduire des études sur les effets des médicaments. L'agence est habilitée à infliger des amendes aux laboratoires lorsqu'ils ne déclarent pas un effet indésirable ou ne transmettent pas des résultats d'études cliniques demandés dans les délais impartis.
Source : Les Echos
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