En matière de défense, comme dans d’autres domaines, il ne fait guère de doute que le passif de la présidence qui s’achève pèsera lourdement sur l’avenir. A ce titre, le projet Balard (cf article précédent) mérite une attention toute particulière. En effet, ce dernier suscite toutes les interrogations : il a surgit ex nihilo et n’a jamais été réclamé par les armées ; sa complexité rend son calendrier de réalisation très optimiste ; son coût est exorbitant ; le choix d’un partenariat public-privé avec la société Bouygues accroît le risque pour l’État.
Comme le relève le rapport des sénateurs Trucy et Boulaud, la phase d’études préalables et de conception de ce projet majeur et complexe a été particulièrement brève, augmentant les inquiétudes.
L’idée générale qui sous-tend le projet Balard est de réunir en un lieu unique l’ensemble du personnel de la défense. Autrement dit, il s’agira de rassembler les 10 000 emplois sur un site unique. En réalité, le ministère de la défense conservera plusieurs emprises distinctes, parmi lesquelles l’hôtel du ministre, l’hôpital du Val-de-Grâce, les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure, l’École militaire et les Invalides. La logique d’emprise unique est donc biaisée dès le départ et relève plus du slogan que de la réalité. De plus les sénateurs Trucy et Boulaud soulignent que le chiffre de 10 000 personnes n’est fondé sur rien de rationnel.
Plutôt qu’un site unique de 10 000 personnes, Balard rassemblera deux sites distincts de 5 000 personnes, séparés par l’avenue de la Porte de Sèvres. Autrement dit, la portion centrale du ministère ne rassemblera pas 10 000 personnes comme annoncé mais seulement 5000. Ce qui remet singulièrement en perspective le coût par agent hébergé.
Le choix du site de Balard n’est pas le seul possible. La Cité de l’Air peut accueillir aisément 5 000 personnes. Le Sénat a recensé 14 emprises du ministère de la défense localisées à moins de 15 km du centre de Paris et suffisamment spacieuses pour accueillir de 5 000 à 40 000 personnes. Interrogé sur ce point, le ministère de la défense a répondu à la mission Trucy-Boulaud que cet ensemble architectural n’était pas au standing requis pour un ministère et que ces deux tours étaient des vulnérabilités.
Le site de Balard présente pourtant aussi des inconvénients. Il est pollué par des bombes datant de la Seconde guerre mondiale et nécessite un assainissement. Elle est localisé dans l’axe et à immédiate proximité de l’héliport d’Issy-les-Moulineaux ; ce qui constitue une authentique vulnérabilité. Le terrain est inondable en cas de crue centennale. Les contraintes de construction qui en résultent alourdiront d’autant la facture. Construire sur une parcelle présentant de nombreux défauts n’est donc pas une fatalité.
L’un des principaux arguments du Gouvernement pour imposer le projet Balard est d’annoncer qu’il rapportera de l’argent au ministère de la défense.
Le regroupement de services sur une seule emprise devait permettre de vendre des terrains et immeuble. A l’heure actuelle aucune vente n’a été finalisée.
Le projet Balard est d’abord l’abandon d’un précédent projet pour lequel certains travaux avaient été entrepris et des transferts de personnel effectués. Les conséquences de ce nouveau projet sont le retour des personnels transférés, l’abandon de la construction d’un bâtiment nouveau, pour lequel l’ensemble des agréments avait été obtenu et l’augmentation du coût pour la défense.
Au total, les opérations du 1er projet auraient coûté 200 millions, dont 90 millions d’euros ont déjà été engagés. Le projet Balard devrait coûter dix fois plus.
Le contrat de Partenariat Public Privé signé avec Bouygues appel de nombreuses interrogations également. En effet, le ministère de la défense a refusé de communiquer aux parlementaires les détails des clauses.
En conclusion, il y a lieu de s’interroger sur sa pertinence dans la mesure où les recettes exceptionnelles issues de la cession des emprises libérées demeurent un doux rêve à ce jour, il ne reste que l’endettement du ministère à 30 ans et le sentiment d’une manœuvre visant à aménager quelque peu la réalité des comptes.
Il est frappant de constater que, quel que soit l’angle d’approche, rien ne permet de justifier ce projet dispendieux, inutile et risqué.
Source : PS
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