Il va falloir, une fois de plus, renflouer les banques européennes, admet Guillaume Duval dans sa chronique sur Radio Nova, afin d'éviter qu'elles ne s'effondrent ou qu'elles étouffent encore plus l'économie en rationnant le crédit. Mais c'est le moment d'exiger des contreparties.
Il est question depuis quelques semaines d'un nouveau plan d'aide aux banques européennes. Une perspective qui ne vous enchante guère mais qui sera peut-être nécessaire malgré tout…
Ce projet n'a vraiment rien d'enthousiasmant en effet. En 2008-2009, il avait déjà fallu renflouer massivement le secteur bancaire en Europe en transformant en dettes publiques des dettes privées devenues difficilement recouvrables avec l'explosion de la bulle immobilière et la récession. Et c'est une des principales raisons pour lesquelles de nombreux Etats européens sont aujourd'hui surendettés. Pourtant, à peine sortis de la phase la plus aiguë de la crise, les banquiers s'étaient remis à faire la leçon au monde entier et à se verser des rémunérations toujours aussi extravagantes.
Parce que le ménage n'a pas été suffisamment fait depuis trois ans : pour ne pas faire de peine à « leurs » banques, les différents Etats européens ne les ont pas obligées à mettre au jour toutes leurs mauvaises créances et à se recapitaliser suffisamment pour faire face à leurs pertes latentes. En effet, cela aurait fait perdre de l'argent et du pouvoir aux actionnaires en place et risqué d'aboutir au rachat des grandes banques d'un pays par celles des voisins. Du coup, les banques ont préféré distribuer les bénéfices qu'elles avaient recommencés à faire l'an dernier à leurs actionnaires plutôt que de renforcer leurs fonds propres. Mais, aujourd'hui, ces banques, dont les comptes n'ont pas été apurés, sont de nouveau fragilisées par la crise des dettes publiques. Tandis que le ralentissement de l'économie rend aussi plus probables des difficultés du côté des crédits accordés aux ménages et aux entreprises…
Le mieux serait évidemment qu'elles se débrouillent par elles-mêmes pour trouver du capital sur les marchés afin de couvrir leurs pertes potentielles. Mais elles risquent d'avoir du mal, dans un contexte où personne n'est très optimiste sur leur avenir immédiat. De plus leurs dirigeants risquent de préférer réduire les prêts que les banques accordent afin de garder le contrôle de leurs affaires plutôt que de faire rentrer de nouveaux actionnaires. D'où la nécessité d'être prêt malgré tout à une intervention publique pour éviter que des banques ne s'effondrent, à l'image de Dexia, avec le risque d'un effet domino comme après la chute de Lehman Brothers, ou qu'elles étouffent encore plus l'économie en rationnant le crédit…
En effet. Il faudrait cette fois confier la responsabilité d'une telle opération à une instance européenne pour éviter le copinage habituel à l'échelle nationale entre dirigeants des Etats et des banques, comme celui qui se pratique à grande échelle en France entre énarques de l'inspection des finances. Et il faudrait être beaucoup plus exigeant en termes de contreparties, notamment en matière de rémunération des dirigeants et de pouvoir dans les instances des banques, et de restructuration du secteur pour ne pas avoir à recommencer encore une fois dans deux ans.
Ce n'est pas sûr à ce stade car il est bien tard. Mais le meilleur moyen de ne pas gaspiller des fonds publics pour socialiser tous les deux ans les pertes des banques est encore de soutenir davantage leurs clients… En effet, les difficultés des banques sont aujourd'hui pour une bonne part le résultat des politiques d'austérité excessives qui, en freinant l'activité, fragilisent les Etats mais aussi les ménages et les entreprises. Si on desserrait un peu la vis dans la zone euro, on aurait moins besoin de renflouer les banques encore une fois…
Source : Alternatives économiques
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