Le traité de Lisbonne ressemble presque trait pour trait à la défunte Constitution. Les Vingt-Sept, tout en veillant à préserver la «substance» d’un texte certes rejeté par deux pays (la France et les Pays-Bas), mais ratifié par dix-huit États, ont surtout voulu éviter les malentendus apparus lors de la campagne référendaire en abandonnant certaines innovations. Revue de détail de ce qui différencie les deux textes (cf. Libération du samedi 20 octobre).
La forme
Le traité de Lisbonne n’a plus l’apparence d’une Constitution. La campagne référendaire française s’était focalisée sur l’habillage constitutionnel du texte. Ses opposants insistaient sur le fait qu’en reprenant l’ensemble des traités existant, y compris, donc, l’ensemble des «politiques communes» (monétaire, agricole, concurrence, aides régionales, etc.), il «constitutionnalisait» l’ensemble et le rendait «intouchable». Les Vingt-Sept ont donc amendé les actuels traités (traité sur l’Union européenne et traité sur le fonctionnement de l’UE) en reprenant toutes les innovations du traité constitutionnel. Ainsi, le texte de Lisbonne ne touche absolument pas aux politiques existantes et son unique objet est institutionnel. Au passage, les Vingt-Sept ont aussi sacrifié la liste des «symboles de l’UE» (drapeau, devise, hymne) ou encore le poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union remplacé par un simple «Haut représentant», comme aujourd’hui, ces attributs faisant trop penser à un Etat.
Les améliorations
La «concurrence libre et non faussée» disparaît des «objectifs de l’Union». C’est Sarkozy qui a demandé et obtenu que cette phrase, emblème de la campagne du non, n’apparaisse plus en tête du traité sur l’UE. Elle fait désormais l’objet d’un protocole annexé. La protection des services publics et leur mode de financement, qui étaient déjà prévus dans le traité constitutionnel, sont aussi renforcés par un protocole.
Ce qui ne bouge pas
La réforme institutionnelle, cœur du projet constitutionnel, sort à peu près intacte de cet exercice de déshabillage. Dès janvier 2009, l’actuelle présidence semestrielle tournante disparaîtra et sera remplacée par une présidence de cinq ans, attribuée à une personnalité ; le vote à la majorité qualifiée et le contrôle du Parlement européen seront étendus à une cinquantaine de nouveaux domaines. A compter de 2014, la taille de la Commission européenne sera réduite et en avril 2017, la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres sera plus facile à réunir qu’aujourd’hui (55 % des États représentants 65 % de la population). Comme l’a rappelé Nicolas Sarkozy, sur toutes ces questions, il y avait un «consensus de toutes les forces politiques, y compris celles qui ont voté non».
Les reculs
Les Etats les plus eurosceptiques ont réussi à revenir sur un certain nombre d’innovations de la Constitution, comme le report à 2017 du nouveau mode de calcul à la majorité qualifiée. Surtout, la Charte des droits fondamentaux – critiquée par une partie du non – a été sortie du traité et restera un texte à part. Pis : la Grande-Bretagne et la Pologne seront dispensées de l’observer. Londres a aussi obtenu un statut sur mesure en matière d’immigration et la sécurité intérieure. Elle n’appliquera que les textes qui l’intéressent.
Bref, le traité de Lisbonne, c’est la Constitution, mais en moins bien : les Etats n’ont pas envie, pour l’instant, d’aller plus loin.
Points de vue: Giscard d’Estaing Anciens tenants du non au PS François Hollande Lienemann Les français pour un référendum PS
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