Toutes les offres légales de musique pourront être labellisées
L'Assemblée a adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, un amendement au projet de loi internet pour labelliser toutes les offres légales de musique sur internet, commerciales ou non.
Le texte du projet de loi prévoyait initialement que la nouvelle Haute autorité de protection des droits sur internet (Hadopi) puisse attribuer un label aux seules offres commerciales pour identifier clairement le caractère légal des offres.
L'amendement du rapporteur UMP du texte Franck Riester étend ce label aux offres non-commerciales (musique gratuitement mise à la disposition des internautes).
Le député PS Christian Paul s'est inquiété vendredi dans un communiqué de "la tentation de donner un label gouvernemental à tous les sites musicaux commerciaux ou non commerciaux".
"Le label Hadopi, je suis certaine que Radiohead n'en voudra surtout pas", a lancé la députée PS de Paris Sandrine Mazetier.
Le groupe de rock anglais Radiohead avait annoncé en octobre 2007 que son septième album, intitulé "In Rainbows", était téléchargeable par les internautes à un prix que le public est libre de fixer.
"Le but de cette labellisation est de valoriser les offres légales, et donc les artistes dont vous parlez, puisque nous encourageons la mise à disposition gratuite de leurs oeuvres. Cette mise en valeur correspond précisément au souhait de ces artistes et de leurs fans !", a répondu M. Riester.
De leur côté, les professionnels du Net regroupés au sein de trois instances - Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), Association de l'économie numérique (ACSEL) et Association des Services internet communautaires (ASIC) - soulignent "l'absence totale de concertation avec le gouvernement" sur cette mesure qu'ils jugent "à fois inconstitutionnelle, opaque et anticoncurrentielle".
"Les offres sont par définition libres dans une économie de marché, seul le pouvoir judiciaire est apte à se prononcer sur leur caractère légal ou non. Une autorité administrative ne peut se voir confier un pouvoir de labellisation d'offres commerciales", indiquent-ils dans un communiqué.
"Les professionnels du Net réclament un moratoire afin de laisser le temps nécessaire à la mise en place des conditions dans lesquelles les utilisateurs sont amenés à connaître la légalité des oeuvres", ajoutent-ils.
"La perte de sang-froid d'Albanel a conduit la loi internet dans une impasse"
Le député PS Christian Paul a estimé vendredi que "la perte de sang-froid" de la ministre de la Culture Christine Albanel jeudi soir avait conduit "dans une impasse" le texte "internet et création" dont l'examen à l'Assemblée nationale doit reprendre le 31 mars.
"La perte de sang-froid de la ministre de la Culture et la conviction désormais bien installée que cette loi ne règle rien pour les artistes a conduit le Parlement dans une impasse", écrit M. Paul dans un communiqué.
Un incident a opposé jeudi soir l'opposition à Christine Albanel, à propos de la haute autorité de protection des droits sur internet (Hadopi) créée par la loi.
"La caricature affreuse qui consiste à présenter cette haute autorité, composée de magistrats, comme une sorte d'antenne de la Gestapo est particulièrement ridicule", a lancé Mme Albanel aux députés de l'opposition, provoquant de très vives protestations.
M. Paul a condamné "d'atroces dérapages (qui) ne sont pas dignes des successeurs de Malraux" (qui avait été ministre de la Culture de de Gaulle!).
Dans son communiqué, M. Paul estime encore que "cette loi fait violence à la société, dès lors qu'elle se révèle incapable de concilier la liberté des artistes et la liberté des citoyens".
Les députés examineront la disposition centrale du texte (suspension temporaire de l'abonnement internet pour sanctionner le téléchargement illégal) à la reprise des débats le 31 mars (pour cause de débat sur l'Otan et collectif budgétaire la semaine prochaine et une semaine d'évaluation et de contrôle la suivante).
Incident entre l'opposition et Christine Albanel
Un incident a opposé jeudi soir l'opposition à Christine Albanel (Culture), à propos de la haute autorité de protection des droits sur internet (Hadopi) après que la ministre eut dénoncé "la caricature affreuse" faite, selon elle, en comparant l'Hadopi à une "antenne de la Gestapo".
Le projet de loi internet crée cette nouvelle autorité administrative indépendante de 9 membres, la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), qui se substituera à l'actuelle Autorité de régulation des mesures techniques (Armt).
L'Hadopi sera responsable des réponses graduées, allant de l'avertissement jusqu'à la suspension de ligne internet, pour lutter contre le piratage.
"Vous présentez cette haute autorité comme une instance policière, dangereuse qui veut attaquer les libertés, c'est honteux", a lancé la ministre en acceptant, à la demande de la gauche, de "retirer le mot Gestapo".
"La présentation que vous en faites est scandaleuse, c'est une caricature insupportable" a poursuivi la ministre en jugeant que "la haute autorité, composée de magistrats est là pour établir le dialogue avec les internautes".
Condamnant "d'atroces dérapages (qui) ne sont pas dignes des successeurs de Malraux "(qui avait été ministre de la Culture de de Gaulle!), Christian Paul (PS) s'est exclamé : "vous ne vous comportez pas en ministre de la Culture qui doit "être aussi celui des libertés".
"J'ai été bouleversé par vos propos", a expliqué Patrick Bloche (PS), "à cause de la Gestapo je n'ai jamais connu ma grand-mère maternelle".
"Vous avez dérapé comme jamais nous ne l'avons fait. Jamais nous n'avons assimilé le président de la République à un dictateur", a-t-il ajouté en demandant une suspension de séance.
"Le dispositif bafoue le droit à la présomption d'innocence" a ensuite estimé Sandrine Mazetier (PS) tandis que Jean-Luc Warsmann (UMP) dénonçait un "mauvais procès" fait à cette disposition.
"Votre texte est une atteinte insupportable aux libertés", a fait valoir Jean-Pierre Brard (GDR, PCF) en se référant à "l'avis accablant de la CNIL". Evoquant les amendements promis pour améliorer le texte, M. Brard a jugé que "l'on ne perfectionne pas ce qui est liberticide on y renonce ou on le confirme".
La séance a été levée avant que les députés n'abordent le coeur du projet de loi, les sanctions pour piratage. Ils en discuteront à la reprise de l'examen du texte, le 31 mars.
Rassemblement hostile en présence d'un député UMP
Une cinquantaine de personnes hostiles au texte internet, en discussion à l'Assemblée, se sont rassemblées jeudi soir devant le Palais Bourbon à l'appel des jeunes socialistes et en présence du député UMP Lionel Tardy venu "soutenir les internautes en général", a constaté l'AFP.
Par cette action "symbolique", le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) voulait surtout protester contre la disposition centrale du texte (suspension de l'abonnement en cas de téléchargement illégal répété).
"Cette loi, c'est le premier pas vers une privation des libertés. Le gouvernement ne comprend pas internet, pire, internet lui fait peur !", a déclaré à l'AFP Emile Heitor, 32 ans, qui travaille dans l'informatique et affirme suivre les débats sur internet.
Le député UMP Lionel Tardy, "très réservé sur ce projet de loi" et qui participe activement aux débats, est momentanément sorti de l'hémicycle pour "soutenir les internautes en général", a-t-il dit à l'AFP.
"La suspension de l'abonnement à internet, ce ne sera pas gérable. Dans tous les cas, il vaut mieux avoir une amende", a estimé M. Tardy, qui défendra un amendement dans ce sens.
Quelques minutes après, on pouvait le voir à nouveau dans l'hémicycle critiquer la nouvelle Haute autorité prévue par la loi (Hadopi).
Dehors, un groupe représentant les "internautes citoyens", enchaînés avec des claviers et des souris, et un groupe représentant les majors du disque et du cinéma, se sont échangé des slogans pendant quelques minutes.
Plusieurs personnes non-membres du MJS étaient également présentes après avoir entendu parler de ce rassemblement sur internet
afp
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