"S'il conserve encore la valeur travail dans son argumentaire politique, Nicolas Sarkozy a abandonné la cause du pouvoir d'achat.
Mais ce renoncement n'est pas encore assumé.
Un nouveau story-telling (« une façon particulière de raconter l’histoire ») se teste depuis l'été, mêlant une attaque contre le poids des dépenses publiques, une réécriture de l'histoire récente, et une volonté affirmée de contraindre au mieux les salaires modestes. Le tout, sur fond d'une croissance économique qui patine...
La croissance revue à la baisse
Il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy nous promettait d'aller chercher un point de croissance « avec les dents ». Son paquet fiscal était fait pour cela. La crise de 2008 aidant, le discours a changé. Depuis près d'un an, le gouvernement allume régulièrement des cierges au retour de la croissance et à la sortie de la récession. Le 13 décembre, Christine Lagarde s'enthousiasmait trop vite du « gros » 1,6% de PIB supplémentaire que la France allait connaître cette année. Il faut dire que ses propres prévisions avaient été, pour une fois, ultra-prudentes pour l'exercice 2010 (0,75%) : « si on faisait 1.7%, ça serait la très belle surprise de fin d'année, mais pour l'heure il faut attendre. Pour 2011, nous avons une prévision à 2% ».
Deux semaines plus tard, l'INSEE douchait froid cet optimisme prématuré : l'institut a réévalué à la baisse la croissance des trimestres précédents, dans sa note de conjoncture publiée mardi 28 décembre. La hausse du PIB n'était respectivement que de 0,6 % (contre 0,7 % précédemment annoncé) lors du deuxième trimestre et de 0,3 % (contre 0,4 %) pour le troisième trimestre (T3). C'est en fait la consommation des ménages qui a été réévaluée à la baisse. Ce dernier constat aurait pu conduire le gouvernement à s'interroger sur la précarisation accrue du pays. Que nenni !
Le SMIC, bouc-émissaire facile
Le 1er janvier prochain, le SMIC n'augmentera que de 18 euros bruts par mois, soir +1,6%. Cette ne revalorisation réduite au minimum légal automatique, est équivalente au montant de l'inflation et à la moitié du pouvoir d'achat du salaire horaire brut ouvrier. Le SMIC s'établira donc à 1073 euros nets mensuels, pour un salarié embauché à temps complet (ou 12 876 euros nets par an).
Si l'on rapproche ce niveau des statistiques de l'INSEE, on réalise qu'environ 30% des salariés français gagnaient moins que le SMIC en 2008. Le SMIC n'est plus un plancher, une sauvegarde contre la pauvreté, c'est une rémunération devenue pivot. Sur 23,5 millions de salariés, 22% gagnent moins que le SMIC, et 34% gagnent entre une fois et 1,6 fois le SMIC. C'est justement à cause de l'importance du nombre de salariés concernés par l'évolution du SMIC qu'à droite on explique qu'il faut maîtriser son inflation. Le discours sur le pouvoir d'achat du candidat Sarkozy en 2007 est bien loin.
Dans un long billet publié sur Mediapart (*), le journaliste Laurent Mauduit tente de replacer cette absence de coup de pouce au salaire de référence de millions de Français dans une perspective politique plus large : « les très faibles rémunérations qui gagnent du terrain en France » écrit-il « résultent à l'évidence d'un 'pacte', 'd'une science, un art compliqué d'administration'. Sinon un pacte de famine, en tout cas un pacte de misère.» Depuis qu'il est président, Sarkozy n'a jamais accordé de coup de pouce comme ses prédécesseurs, Jacques Chirac compris. Tout récemment, François Fillon s'est abrité derrière un groupe d'experts, qui expliqua combien les minima sociaux étaient déjà largement suffisants pour compléter le pouvoir d'achat des salariés rémunérés au voisinage du SMIC. Inutile donc, selon eux, d'en rajouter.
Le partage de la valeur ajoutée ? Oublié
Ces positions doivent être mis en parallèle avec les déclarations et promesses récentes de Nicolas Sarkozy. Au plus fort de la crise, le président français avait adopté un discours quasi-social, dénonçant les excès du capitalisme financier, et, notamment, l'injuste partage de la valeur ajoutée. Chaque année depuis 2007, le Monarque promit ainsi qu’il édicterait une loi sur le partage de la valeur ajoutée, en vertu de sa fameuse proposition des trois tiers pour la distribution des profits : 1/3 à l’investissement, 1/3 aux actionnaires et 1/3 aux salariés..."
A lire dans son intégralité et son contexte (marianne2.fr)
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