Le Parlement, qui a adopté la nouvelle Loi de finances le 15 décembre dernier, a confirmé la réforme du statut des Jeunes entreprises innovantes. Les start-up locales, ainsi que les acteurs institutionnels de l'innovation, dénoncent un coup de rabot brutal.
La nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans le milieu de l'innovation. Le 15 décembre dernier, après des semaines de débats et malgré le lobbying intensif mené par les entreprises du secteur, la réforme du statut de Jeunes entreprises innovantes (JEI), prévue par la Loi de finances 2011, a été adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat. Un cadeau de Noël dont les start-up locales se seraient bien passées. Car nombre d'entre elles voient dans ce texte une remise en cause de la pérennité des PME innovantes.
Le gouvernement a en effet décidé de réformer le dispositif d'exonération de cotisations sociales accordée à ces jeunes pousses. Sa proposition, discutée des semaines durant, puis finalement validée par le Parlement, consiste à introduire un plafond de rémunération mensuelle brute par salarié, fixé à 4,5 fois le Smic, un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale (103.860 € en 2010), ainsi qu'une diminution progressive des exonérations de charges au cours de la vie de l'entreprise (75%, 50%, 30% puis 10% du montant au cours des quatre dernières années du dispositif, qui en compte huit au total).
Objectif avoué de cette réforme: réaliser une économie budgétaire de l'ordre de 57M€ par an dès 2011.
Le choc a été rude pour les quelque 2.200 PME françaises qui bénéficiaient l'année dernière du statut de Jeunes entreprises innovantes, créé en 2004 (Sont éligibles : les PME innovantes, majoritairement indépendantes, de moins de huit ans, au CA inférieur à 50 M€, dont les dépenses de «recherches et développement » représentent au moins 15% des charges.)
«Les JEI ont été déçues et surprises de cette décision, qui réduit fortement une certain nombre d'avantages dont elles bénéficiaient à un moment stratégique de leur existence, qui est celui du démarrage, constate Olivier Personnic, directeur de la pépinière d'entreprises innovantes de Meyreuil.
C'est un peu comme si on mettait aujourd'hui à la poubelle des années d'investissement et de soutien favorables aux entreprises innovantes. Nous ne comprenons pas la stratégie qui justifie un tel choix». L'incompréhension est d'autant plus forte que la décision est intervenue très rapidement.
«Une entreprise ne se gère pas avec une vision à si court terme, rappelle Olivier Personnic. C'est une nouvelle mesure qui change la donne, et ce, dès 2011. On est en train de tirer sur un vol d'oiseaux en migration! C'est surtout cette soudaineté qui est complexe à gérer pour les entreprises. Il faut en tenir compte dès le 1erjanvier, alors que la loi est passée le 15décembre...»
Dès aujourd'hui, pour les PME innovantes qui avaient intégré dans leurs plans de financement les avantages historiques du statut JEI, les conséquences sont bien concrètes. «Ces entreprises vont devoir se recapitaliser en urgence, car brutalement, c'est 25% de charges supplémentaires, non prévues, qui viennent grever leur budget», regrette Olivier Personnic.
«Les petites entreprises utilisaient le dispositif pour faire de la croissance. Le gouvernement a clairement choisi de rogner sur les avantages liés aux start-up plutôt que de toucher le Crédit d'impôt recherche, plus favorable aux grands groupes», souligne de son côté Maxime Defouss, qui dirige l'incubateur Impulse installé à Marseille.
Face à ce constat, certaines jeunes pousses, à l'instar de la société Mixxit, qui développe des applications de télécommunications, envisagent de délocaliser en partie leur activité. Comme l'explique son président, Renaud Laurent: «Quelque part, nous avions eu le nez creux en basant dès l'origine une partie de notre équipe en Tunisie. Soyons clairs: dans le cadre de notre développement, le fait que l'État revienne sur le statut JEI nous amènera naturellement à renforcer nos effectifs tunisiens, au détriment de la France. En terme de salaire, le rapport est d'un à trois! Ce sont clairement les problématiques économiques qui nous font quitter la France. Mais il y a désormais un tel écart qu'on ne discute même pas...»
Mais au-delà de la problématique de l'emploi, c'est l'attractivité de l'innovation française qui est au coeur des débats.
«Cette situation va conduire certaines start-up à repousser leur arrivée sur les marchés internationaux, ce qui, dans le monde de l'innovation, peut être fatal», estime Olivier Personnic, qui souhaite rester optimiste: «Malgré ce coup de rabot, le système français de soutien à l'innovation reste l'un des plus favorables du monde...» …
A lire dans son contexte et son intégralité (lejournaldesentreprises.com/Didier Gazanhes et Alexandre Léoty)
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