Le patrimoine des Français, qui s'élève à 10 000 Milliards €, a cru fortement ces dernières années en raison notamment de la hausse de l'immobilier. Ce patrimoine est réparti de façon extrêmement inégalitaire : tandis que le patrimoine médian s'élève environ à 100 000 €, les 10% des Français les plus riches détiennent un patrimoine moyen de 750 000 € et possèdent la moitié du patrimoine national. Pour l'écrasante majorité des Français, le patrimoine est composé d'un bien immobilier (62% des Français sont propriétaires), d'un contrat d'assurance-vie (taux de détention de 42%) ou de dépôts sur des livrets réglementés (85%). A l'inverse, plus on s'élève dans l'échelle des hauts revenus, plus le patrimoine est diversifié et composé de biens professionnels et de valeurs mobilières (actions, etc.).
Les revenus générés par le patrimoine des Français sont mal connus : les données fiscales, basses par définition en raison de l'importance des revenus non déclarés ou exonérés, permettent de les estimer à environ 150 Milliards €. Plus on s'élève dans la hiérarchie des revenus, plus les revenus du patrimoine occupent une place importante. C'est tout particulièrement vrai pour les très hauts revenus : les revenus des 0.01% des Français les plus riches sont issus pour 50% des revenus du capital, alors que pour les classes moyennes, la quasi-totalité du revenu provient du travail.
La fiscalité du capital est plus basse que celle portant sur le travail : 24 Milliards € sont prélevés sur le patrimoine, soit un taux d'impôt moyen effectif de 16%. Historiquement, cette fiscalité allégée protégeait l'épargne des classes moyennes (livrets défiscalisés notamment).
Or la fiscalité du capital a été allégée depuis 2002 de façon très importante, renforçant encore le déséquilibre avec la fiscalité du travail. La taxation des dividendes et des plus-values mobilières et immobilières a été allégée, ainsi que l'ISF et la fiscalité des donations et des successions, sans compter l'instauration du bouclier fiscal. Le coût global des avantages accordés en matière de fiscalité du patrimoine peut être estimé environ à 15 Mds € par an.
Ces allègements fiscaux ont bénéficié, non pas aux classes moyennes, mais aux ménages les plus fortunés. En cette période de détresse des finances publiques, alors que le plus grand nombre des contribuables voient leur pouvoir d'achat rongé par la hausse de la fiscalité sur la consommation ou assimilée, il paraît légitime que les détenteurs de gros patrimoines soient mis à contribution.
D'un point de vue économique, l'idée est répandue que les détenteurs de patrimoine fuient la France en raison de sa fiscalité et notamment de l'ISF. Les chiffres ne viennent pas corroborer cette idée. Le taux de départ des redevables de l'ISF n'augmente pas et n'a pas diminué malgré les avantages fiscaux très importants accordés. Il est vraisemblable que la fiscalité ne joue pas un rôle déterminant, hormis pour les transmissions d'entreprises réalisées dans des pays frontaliers pour échapper à l'impôt et, surtout, pour les fondateurs d'entreprises de croissance (start-ups) lorsqu'ils vendent leur entreprise (pour éviter non pas l'ISF mais la taxe sur les plus-values).
L'idée court également que l'impôt sur le patrimoine pèse sur la croissance. Cette idée est erronée. Elle repose d'abord sur une confusion entre la fiscalité du capital utilisé et la fiscalité pesant sur les propriétaires de ce capital, entre la fiscalité des entreprises et la fiscalité des personnes propriétaires de ces entreprises. Au contraire, un impôt sur le capital encourage le destockage de l'épargne, structurellement élevé dans les ménages français, singulièrement depuis la crise (encaisse de précaution), au profit d'un soutien à la consommation. Par ailleurs, un tel impôt encourage une allocation plus efficace du capital en pénalisant le patrimoine qui n'est pas mis en valeur. On sait également que l'accumulation du capital entraîne la constitution de comportements de rentes, qui éloignent les acteurs économiques de la prise de risque nécessaire à la croissance.
Mais au-delà de l'argumentation économique, dans la période difficile que traversent les finances publiques, il est indispensable que l'ensemble des ménages français acquittent une juste contribution à l'effort national en fonction de leur faculté contributive, y compris de leur patrimoine.
Source : Le Monde
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