L'Insee vient de reconnaître qu'il avait surévalué les coûts horaires dans l'industrie manufacturière française. Une erreur qui avait déclenché une pluie d'attaques contre les "charges" sociales, qui seraient trop élevées en France par rapport à l'Allemagne.
L'Insee s'était planté. Une fois de plus diront les critiques. Et, de fait, on se souvient peut-être de la polémique autour des chiffres du chômage qui avait occupé la scène en 2006-2007. Plutôt que de mettre en cause les chiffres mensuels publiés alors par le ministère du travail qui faisaient apparaître une décrue importante du nombre de demandeurs d'emploi qui n'était sans doute due qu'à des opérations de radiations massives, l'Institut avait préféré ne pas publier les chiffres de son "enquête emploi" qui démentaient l'optimisme officiel, et il avait fallu attendre huit longs mois pour que, après refonte complète du dispositif d'enquête, l'Insee livre enfin son diagnostic : oui, le taux de chômage publié par le ministère à partir des données de ce qui était alors l'ANPE était sous-estimé de près d'un point. Mais les critiques auraient tort de ricaner. Car l'Insee a toujours su regarder de près les arguments des contestataires pour juger de leur validité puis, le cas échéant, à reconnaître ses torts.
C'est ce qu'il vient de faire à propos de l'enquête sur les coûts salariaux. En décembre dernier, l'Insee transmettait à Eurostat les résultats de cette enquête réalisée tous les quatre ans dans un cadre européen. Il en ressortait que les coûts horaires dans l'industrie manufacturière française avaient fait un bond de 28 % entre 2004 et 2008, dépassant désormais largement l'Allemagne, avec une moyenne de 37,50 euros contre 33,30. Ayant eu connaissance de ces chiffres, Rexecode, un institut de conjoncture proche du patronat chargé de réaliser une étude sur la compétitivité de l'industrie française par rapport à l'industrie allemande, en faisait la clé de voûte de ses explications : nous perdons des parts de marché en raison de cette dérive des coûts salariaux par rapport à notre principal concurrent, concluait Rexecode. Et immédiatement, le patronat, Mme Parisot en tête, montait au front, en dénonçant le poids excessif des charges qui plombent l'économie française.
En fait, le 15 février, l'Insee reconnaissait s'être trompé dans le décompte des heures travaillées en 2008, majorant ainsi de façon importante le coût horaire moyen, lequel était en réalité de 33,26 €, et non de 37,50 €. Et, avec ces nouveaux chiffres, l'Allemagne continue de dépasser - de peu, il est vrai - la France, avec 33,34 €. Certes, la progression a été plus rapide de ce côté-ci du Rhin (+ 14 %) que de l'autre côté (+ 8 %), ce que ne manque pas de dénoncer le Medef.
Pas un mot, bien entendu, du retard également croissant que prennent les investissements industriels de la France comparés à ceux de l'Allemagne (+ 5 % entre 2000 et 2008 contre + 11 % en Allemagne). Les pertes de compétitivité ne peuvent venir que des salariés, forcément. Et si l'on se demandait également si l'on peut à la fois gâter les actionnaires et investir…
Source : Alternatives économiques
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