La Fondation Abbé Pierre et l'OCDE, chacun à leur manière, incitent à ne pas négliger le rôle du secteur locatif.
Au moment de rendre son rapport annuel sur L'état du mal-logement en France [1], le 1er février dernier, la Fondation Abbé Pierre a infligé un " carton rouge " à la politique du gouvernement. En cause plus particulièrement cette année : une politique visant à porter le taux de propriétaires de 57 % à 70 % des ménages, au nom de la promesse de campagne d'une " France des propriétaires ".
Propriétaires à tout prix ?
Si elle ne conteste pas l'aspiration largement partagée à devenir propriétaire de son logement, la Fondation souligne que l'accès à la propriété est de plus en plus réservé aux ménages aisés. Si bien que les politiques qui favorisent les propriétaires se révèlent fort peu redistributives. Par exemple, la nouvelle version du prêt à taux zéro (" PTZ+ ") sera désormais accordée sans condition de ressources : une décision qui coûtera 400 millions d'euros par an au budget de l'Etat, au profit des ménages les plus aisés, alors même que les aides à la personne pour les locataires modestes sont frappées par la rigueur.
De plus, le rapport 2011 souligne que propriété n'est pas toujours synonyme de sécurité. Avec le doublement des prix en dix ans, accession rime plutôt avec endettement de long terme (19 ans en moyenne) et donc fragilisation des ménages.
Dans les comparaisons internationales, la Fondation incite à s'inspirer de l'Allemagne (43 % de propriétaires et des prix à la location encadrés) plutôt que de l'Espagne (82 % de propriétaires et une crise du logement dramatique). Enfin, le " tous propriétaires " entraîne, pour disposer de foncier accessible, un éloignement des classes moyennes des centre-villes et un étalement urbain qui augmente l'empreinte écologique et nuit à l'accès aux services publics. La Fondation Abbé Pierre appelle donc le gouvernement à sauvegarder une mixité des statuts résidentiels d'habitat et une certaine neutralité fiscale entre les différents secteurs.
La prudence de l'OCDE
Un autre rapport, plus inattendu, est venu compléter cette critique à sa façon : celui de l'OCDE [2], intitulé Le logement et l'économie, des politiques à rénover. Pour l'organisation internationale, les politiques du logement doivent faciliter la mobilité résidentielle et professionnelle. Dans cette optique, l'OCDE souligne la nécessité d'un secteur locatif fort. Le rapport s'en prend vivement au laxisme bancaire ayant provoqué la crise des subprime aux Etats-Unis, et plus généralement aux facilités excessives d'accès aux prêts immobiliers, censées permettre à tout un chacun de devenir propriétaire de son logement. Cette déréglementation financière, explique le rapport, a majoré les prix des logements de 30 % en vingt-cinq ans dans les pays de l'OCDE, elle a accru l'instabilité des prix et entraîné des risques systémiques sur l'ensemble du secteur bancaire.
Enfin, au nom de l'équité, l'OCDE préconise d'" éviter les impôts qui favorisent la propriété du logement ". En taxant par exemple les valeurs locatives imputées des propriétaires.
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