Selon Alain Mikowski, du Conseil national du barreau le gouvernement a créé un véritable l’imbroglio juridique.
La garde à vue à la française n’existe plus pourtant l’imbroglio juridique continue. Certains avocats refusent de se prêter aux nouvelles règles et d’assister leur client lors des auditions : le barreau de Bobigny (Seine-Saint-Denis), en grève depuis vingt jours, celui de Créteil (Val-de-Marne), ceux d’Auxerre et de Sens (Yonne), des Sables-d’Olonne (Vendée) ou de Roanne (Loire). Ils protestent contre une réforme qu’ils jugent incomplète et leur indemnisation qu’ils estiment trop faible : 300 euros hors taxe la garde à vue, 150 euros de plus si elle est prolongée de vingt-quatre heures.
Mais la plus grande incertitude juridique relève du calendrier de la réforme. Celle-ci, inéluctable au regard du droit européen, a été freinée depuis deux ans. Dans les jours à venir, les demandes d’annulation de procédure vont exploser.
Jusqu’au 1er juin, date à laquelle la loi promulguée la semaine dernière entrera en vigueur, la loi concernant la garde à vue en France n’existe plus. Il sera ainsi appliqué la jurisprudence.
Il existe alors deux cas de figures. Toutes les gardes à vue qui ont eu lieu avant le 15 avril sans avocat ou avec un avocat dépourvu de tout pouvoir sont illégales comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le dit depuis le 27 novembre 2008, et la chambre criminelle de la Cour de cassation depuis le 19 octobre 2010. La CEDH a d’ailleurs condamné la France le 14 octobre. Les avocats vont donc plaider la nullité de toutes ces gardes à vue et les juges n’auront sans doute d’autre choix que de les annuler car tous les éléments du dossier tirés des déclarations faites lors de ces gardes à vue, les aveux par exemple, ne pourront plus être pris en compte pour condamner la personne. S’il n’existe aucun autre élément de preuve, les poursuites tomberont.
Seules les affaires qui ne sont pas jugées définitivement (celles qui attendent une décision d’appel ou de cassation) pourront faire l’objet de requête afin de nullité, à condition que leur instruction ne soit pas terminée.
Le deuxième cas de figure concerne les gardes à vue qui ont lieu depuis la décision de la Cour de cassation et l’entrée en vigueur de la loi, donc du 15 avril au 1er juin. Si la chancellerie a demandé aux parquets d’appliquer la loi avant même son entrée en vigueur, la Cour de cassation n’a pas imposé aux tribunaux de l’appliquer. Elle a demandé le respect des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment le droit de l’avocat de pouvoir assister efficacement son client. Or, la loi votée dernièrement ne le permet pas, puisque l’avocat n’a pas, par exemple, accès au dossier de son client. Les avocats demanderont ainsi l’annulation des gardes à vue pendant lesquelles l’avocat n’a pas eu accès au dossier.
Source : Libération
Commentaires