Le même chiffre, mais une lecture radicalement différente. Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, a confirmé hier sur RMC « qu'environ 1.500 classes » seront fermées à la rentrée 2011 dans le premier degré, comme l'avait annoncé, en fin de semaine dernière, le SNUipp-FSU. La conséquence directe de la suppression au budget 2011 de 8.967 postes pour ce niveau, alors que le nombre d'enfants y augmentera d'au moins 4.900.
Luc Chatel a minimisé hier les conséquences de ces suppressions, martelant « qu'il y aura, à la rentrée prochaine, plus de professeurs et moins d'élèves qu'il n'y en avait il y a quinze ans dans le système éducatif » et « 22 élèves par classe en moyenne en élémentaire contre 23 dans les années 1990 ». Il a aussi de nouveau avancé que l'augmentation des moyens n'était pas la bonne réponse. « Depuis 1980, le budget moyen par élève a augmenté de 80 %. Tout cela pour quoi ? s'est-il récemment interrogé sur Europe 1. Le nombre d'élèves qui accèdent au baccalauréat n'augmente plus. »
« C'est une rupture sans précédent, au moment où il faut investir et transformer l'école pour traiter les 15 à 20 % d'élèves en difficultés scolaires », a réagi hier Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU. Il dénonce dans les chiffres avancés par Luc Chatel « des moyennes qui cachent de fortes amplitudes ». Pour l'historien de l'éducation Claude Lelièvre, ces suppressions marquent « une phase nouvelle. Nous ne sommes plus dans une politique d'ajustement en raison de mouvements de population ou de changements démographiques ». Une politique « très discutable au niveau du premier degré », poursuit-il alors que « toutes les études, jusqu'à celles de l'Institut Montaigne, s'accordent à dire qu'il faut augmenter le taux d'encadrement du premier degré ». Claude Lelièvre relève aussi que le budget de l'éducation a fortement augmenté en pourcentage du PIB de 1980 à 1995 (de 6,4 % à 7,3 %), avant de diminuer et de stagner (6,7 % en 2008), et avec cette stagnation, celle du nombre d'élèves bacheliers.
En février, le Centre d'analyse stratégique, une institution placée auprès du Premier ministre, avait relevé que la France avait en 2007 le taux d'encadrement le plus faible de l'OCDE, notamment du fait d'un bas niveau en primaire (cinq enseignants pour 100 élèves).
L'an dernier, la Cour des comptes soulignait que la France consacrait moins de moyens en primaire que la moyenne de l'OCDE : -5% en maternelle, -15% en élémentaire.
"Pour la première fois, …on va fermer plus de classes qu'on ne va en ouvrir, c'est une rupture sans précédent avec les années passées", a déploré son secrétaire général, Sébastien Sihr. En 2009 et 2010, il y avait eu respectivement 126 et 373 ouvertures.
L'essentiel des postes supprimés concernent les "Rased" (environ 400), les intervenants en langue étrangère (à l'heure où le ministre veut faire faire de l'anglais en maternelle), les maîtres formateurs et les remplaçants (à l’heure où beaucoup se plaignent de postes non occupés).
La fermeture de tant de classes frappe encore plus durement le milieu rural pour qui l’école est le cœur du village. Un village sans école, c’est un village qui se meurt. Elle sacrifie également les élèves en difficulté. Le gouvernement parle de diminuer la déscolarisation, le chômage…
Ou est la logique de cette décision ?
Quand les annonces précises des postes supprimés, repoussées par le gouvernement après les cantonales, ont finalement eu lieu, elles ont déclenché un tollé.
Dans le Sud-Ouest, la séquestration symbolique du directeur d'une école primaire à Aiguillon (Lot-et-Garonne) a empêché la fermeture d'une classe. Dans le Nord, le maire PS d'Orchies veut contester une fermeture en maternelle devant la justice administrative. A Trouville (Calvados), des parents combattent la suppression d'un poste en maternelle via un site internet et en envoyant des vidéos par courriel à l'inspection académique.
Après avoir lancé une pétition, les parents d'élèves de la FCPE organisent eux une "nuit des écoles" .
Même l'enseignement catholique, d'ordinaire conciliant, a lancé la semaine dernière un "avertissement" à l'Etat, prévoyant qu'au rythme actuel un millier d'écoles privées fermeraient bientôt, provoquant "des déserts ruraux".
Afp
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