La CNAM a chiffré à 1,2 milliard d'euros le coût, pour la collectivité, du Médiator. Qui doit payer ? La réaction de Gérard BAPT, président de la Commission de l'Assemblée Nationale sur ce scandale.
Le chiffre avancé par la CNAM (1,2 milliards d'euros) du coût du Médiator vous semble-t-il plausible ?
J'avais moi-même, il y a quelques semaines, estimé à un milliard d'euros environ le coût, pour la collectivité, du Médiator. Je ne pensais pas être à ce point au dessous de la barre.... D'autant qu'il s'agit d'une échelle basse: l'estimation de la CNAM ne prend en effet en compte ni les troubles neurologiques liés à ce médicament, ni les cas d'hypertension pulmonaire que l'on risque de découvrir ces prochaines années.
Cela signifie-t-il que Servier doit participer, à hauteur de ce chiffre, à un éventuel fond d'indemnisation pour les victimes de ce traitement ?
J'observe tout d'abord que le marché français n'est pas si négligeable que Servier voulait bien le faire croire! Près de 30% du chiffre d'affaires de ce laboratoire est en effet dû au marché hexagonal. On est loin des proportions annoncées dans un premier temps, et la rentabilité de Servier doit sembler enviable à bien d'autres entreprises.... J'observe également que, en tant que président de la Commission de l'Assemblée Nationale, j'avais demandé à Servier d'avoir communication de ses comptes et que j'attends toujours. Quant à la réponse officielle de Servier, qui s'abrite derrière le fait qu'ils ne distribuent pas de dividendes, elle me paraît un peu courte.
Comment analysez-vous l'attitude de Xavier Bertrand, ministre des Affaires Sociales aujourd'hui et en charge du dossier en 2006 ?
Il y a deux dimensions différentes. Je crois que Xavier Bertrand a été, à titre personnel, ulcéré de découvrir ce qui s'était réellement passé durant son premier passage au ministère de la Santé. De ce point de vue, je ne mets pas en doute sa sincérité, d'autant qu'il a été, parait-il, personnellement concerné par ce genre de médicaments. Pour autant, je ne néglige pas la seconde dimension, qui est celle du calcul politique: les liens de Servier et de Sarkozy sont de notoriété publique et, dès lors, il peut effectivement apparaitre comme un pare-feu du Président de la République. Quant à savoir précisément ce qui relève de l'un ou de l'autre, à moins de sonder le cœur et les reins des protagonistes de cette affaire...
Vous avez auditionné des dizaines de personnes, depuis le lancement d'une commission d'enquête à l'Assemblée Nationale. Qu'est-ce qui vous a le plus étonné, voire indigné ?
Sans aucun doute possible, l'attitude de déni de Servier - je parle là de son PDG, Jacques Servier, pas du laboratoire en tant que tel. Comment a-t-il pu oser ne pas reconnaitre devant nous des études menées par des chercheurs de son propre groupe? Comment a-t-il pu nier l'évidence à ce point, notamment la dimension anorexgiène de son médicament? J'y vois, pour ma part, une ligne de défense très claire, et qu'il utilisera sans doute durant le procès qui s'annonce: celle de se lancer dans la bataille scientifique, sans aucun égard pour les patients qui ont pris, des années durant, du Médiator.
Certains rapports, rédigés pour ou par l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé) notamment, avaient, de façon extrêmement claire, montré que cette molécule avait un effet anorexigène. Pourquoi ont-ils été ainsi enterrés? Avancer comme explication une incompétence générale me semble un peu court... Il y a tout de même, dans cette affaire, des faits précis et fort troublants. Un médecin qui prend des décisions sans en référer à la commission dont il dépend; trois dossiers explicites où, curieusement, la présence du Médiator est gommée; des exigences faites à Servier, comme celle d'une étude de suivi, qui ne sont pas suivies d'effet; un dossier qui tourne en boucle après 17 réunions de commissions différentes... Il faudra bien, un jour ou l'autre, que les responsabilités soient enfin clairement établies.
Source : l’Express
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