L'Assemblée nationale débat jeudi d'une proposition de loi réformant la médecine du travail, dont la nécessité fait consensus, mais qui soulève des inquiétudes quant à l'indépendance des professionnels de santé.
La proposition de loi, déjà adoptée en première lecture au Sénat le 27 janvier, avait d'abord été jointe à la réforme des retraites, puis censurée en novembre 2010 par le Conseil constitutionnel qui y avait vu un cavalier législatif.
La nécessité d'une réforme de la médecine du travail, née en 1946, fait l'unanimité, alors que les effectifs s'effondrent et que le nombre de maladies professionnelles augmente (les troubles musculo-squelettiques et risques psychosociaux étant en tête des inquiétudes).
Au 1er janvier 2010, les médecins du travail n'étaient ainsi que 6.435 (équivalent temps plein) pour un peu plus de 16 millions de salariés. Leur nombre devrait dégringoler rapidement, les trois quarts ayant plus de 50 ans.
Ces médecins, dont la mission à caractère préventif est peu valorisée, exercent au sein des grandes entreprises, dont ils sont salariés, ou de structures interentreprises (pour près de 95% des effectifs surveillés).
La réforme prévoit la mise en place de services de santé pluridisciplinaires (dotés d'infirmiers, ergonomes, psychologues du travail, toxicologues, etc), pour les épauler.
En présentant la proposition de loi devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée à la mi-juin, le rapporteur, le député UMP Guy Lefrand, avait affirmé que "le médecin du travail ne peut plus être seul dans sa tour d'ivoire, comme le voudraient certains".
Selon lui, "il n'en perd pas pour autant son indépendance".
Mais sur ce point, la gouvernance des services interentreprises pose problème pour l'opposition et les syndicats.
Initialement, la proposition de loi prévoyait en effet que la présidence des conseils d'administration de ces services reviendrait aux seuls employeurs. Mais les sénateurs ont, contre l'avis du gouvernement, décidé qu'ils devraient être composés à parts égales de représentants des employeurs et des salariés, avec une présidence alternée.
Pour M. Lefrand, cette disposition "ne peut être retenue, aussi bien d'un point de vue juridique, constitutionnel que pratique".
Le texte soumis aux députés réserve donc la présidence aux représentants des employeurs et attribue notamment aux représentants des salariés le poste de trésorier.
Le député socialiste Alain Vidalies a déploré que le gouvernement n'ait pas tenu compte des avancées au Sénat et d'"une proposition qui pouvait faire consensus, et qu'au contraire, il (soit) revenu à son texte initial, qui n'est ni plus ni moins que la proposition des employeurs".
Il a indiqué à l'AFP que la question de la gouvernance serait "majeure dans le débat", ajoutant que son groupe ferait preuve d'"une grande combativité".
Les représentants des syndicats des services interentreprises de médecine du travail CFTC, CFE-CGC, CGT, FO et SNPST, ainsi que le Collectif santé travail, Solidaires ou encore l'Ufal (Union des familles laïques), ont annoncé de leur côté un rassemblement devant l'Assemblée jeudi matin.
Ils dénoncent une proposition qui "détruit les fondements de la médecine du travail" et jugent "l'indépendance des professionnels de santé au travail en danger".
Solidaires fustige le fait que "c'est à ceux qui génèrent les risques professionnels que le législateur demande d'assurer leur prévention". "Autant confier au renard les clés du poulailler!", ironise le syndicat.
La CFE-CGC utilise une image moins champêtre pour dire la même chose, jugeant que c'est "un peu comme si l'on confiait la lutte contre la spéculation aux traders".
Source : Afp
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