L'attentat commis à Oslo par le militant d'extrême droite Anders Behring Breivik embarrasse sérieusement le Front national. Craignant les risques d'amalgame entre cet attentat et la mouvance nationaliste dans son ensemble, le député européen du FN, Bruno Gollnisch n'a pas attendu les critiques pour crier à la "manipulation médiatique".
Visiblement agacé par la présentation faite par les médias d'Anders Behring Breivik, décrit comme un "fondamentaliste chrétien", Bruno Gollnisch a dénoncé dans un communiqué samedi, un "nouveau Carpentras". Une affaire dans laquelle le Front national avait été accusé de la profanation d'un cimetière juif en 1990. Selon l'ex-numéro deux du FN, l'appartenance présumée à la franc-maçonnerie rendrait peu crédible cette description du meurtrier.
Oubliant au passage d'exprimer la moindre solidarité à l'égard des victimes norvégiennes, le député européen n'hésite pas non plus à comparer le double-attentat qui a eu lieu à Oslo avec celui de la synagogue de la rue Copernic en 1980 ou à la tuerie de Nanterre en 2002, perpétrée par un déséquilibré, militant chez les Verts. "La vérité, c'est qu'il ne saurait exister de responsabilité collective. Un assassin n'engage que ses complices effectifs et lui-même", explique l'ancien rival de Marine Le Pen pour la présidence du FN.
Selon le politologue Jean-Yves Camus, la réaction de Bruno Gollnisch est plutôt logique en tant que représentant de l'aile radicale du FN. "Il craint certes l'amalgame fait par certains media entre le tueur d'Oslo et les idées nationalistes mais surtout redoute que ses adversaires au sein du FN s'en servent pour légitimer d'autres exclusions afin d'éviter qu'un jour un adhérent connu pour ses idées radicales commette un acte violent", explique ce chercheur associé à l'IRIS.
Du coté de Marine Le Pen, le même embarras était perceptible mais pas pour les mêmes raisons. Il a fallu attendre 48 heures pour qu'elle réagisse laconiquement à la tragédie: "Le Front national condamne ces actes barbares et lâches et exprime sa totale solidarité avec le peuple norvégien."
Samedi, le site d'informations du FN, Nations presse infos, se montrait d'une grande prudence, expliquant que nul ne connaissait encore le coupable. Dans l'entourage de Marine Le Pen, l'un de ses conseillers souhaitait même sortir "des actes de contrition" en expliquant "les causes de cet attentat" qu'il impute à "l'explosion de l'immigration en Norvège". Selon lui, ce geste est le signe précurseur d'une "guerre civile sur l'Europe".
Marine Le Pen a choisi une position inverse en condamnant fermement l'attentat. Ce qui n’est pas le cas de son père. Fidèle à sa politique du prétoire, elle a même menacé de porter plainte contre le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), dont un communiqué expliquait que les partis d'extrême droite portaient "une lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier".
Dans d'autres mouvements d'extrême droite, la gêne est tout aussi palpable. Contacté par LEXPRESS.fr, le président du Bloc Identitaire Fabrice Robert estime qu'"Anders Behring Breivik a profondément desservi sa cause en accomplissant ce geste" car "nombreux sont ceux qui vont pointer du doigt les mouvements populistes désormais".
"Nous partageons peut-être des valeurs convergentes mais ça n'engage pas notre responsabilité, il n'y a aucun appel au terrorisme dans nos programmes", s'est défendu le patron du Bloc identitaire.
Selon le sociologue Yannick Cahuzac, spécialisé dans l'étude de l'extrême droite sur le web, ce malaise est aujourd'hui assez largement partagé sur les sites nationalistes."Ils tentent de psychologiser l'affaire afin d'en dépolitiser l'acte. Certains sites mettent en avant l'appartenance du tueur à la franc maçonnerie ou l'histoire de la tuerie de Nanterre pour délégitimer la critique du racisme d'Anders Behring Breivik."
Source : Afp
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