Pour les socialistes, l'examen depuis le 15 octobre du dernier budget du quinquennat de Nicolas Sarkozy est une belle occasion de prouver que leur crédibilité n'a rien à envier à celle de la majorité. Pas question en effet pour François Hollande de se laisser caricaturer en dangereux dépensier déconnecté du réel, lui qui s'est fait traiter de père la rigueur par certains de ses amis socialistes quand il a fixé comme horizon un budget à l'équilibre en 2017. Il s'agit maintenant de capitaliser sur cette image raisonnable.
Alors que la discussion budgétaire se déroule en pleine crise de l'euro et sous l'œil suspicieux des agences de notation, les députés socialistes sont bien décidés à faire connaître ce que serait leur stratégie économique, budgétaire et fiscale en cas de victoire l'an prochain à l'élection présidentielle. «Je ne serai pas le président qui viendra devant les Français, six mois après son élection, pour leur annoncer qu'il faut changer de cap. Je veux gouverner dans la durée, sur la base de la franchise et de la sincérité», a rappelé Hollande dans son discours d'investiture samedi.
Selon ses proches, les emplois d'avenir ne seraient ainsi réservés qu'à certains jeunes, tandis que la mise en place du contrat de génération passerait par une négociation entre syndicats et patronat. Au même moment à l'Assemblée comme au Sénat, désormais à gauche, les groupes socialistes tentent de montrer à coups d'amendements qu'une autre rigueur est possible. Une rigueur de gauche qui passerait par une forte réduction du déficit et de l'endettement, mais sans pour cela sabrer aveuglément dans les dépenses et, surtout, en mettant davantage à contribution les Français les plus riches.
Leurs tentatives d'infléchir la discussion budgétaire sont restées lettres mortes et la première partie du budget va être votée aujourd'hui par la majorité. Mais à quelques mois de la présidentielle, l'enjeu est aussi symbolique. Concrètement, les parlementaires socialistes ont par exemple soutenu un amendement, déposé par le député UMP du Maine-et-Loire Michel Piron, qui prévoyait la création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu: 46% au-dessus de 150 000 euros par part. La majorité l'a retoqué, les socialistes retenteront donc leur chance au Sénat. Sur ce point, il est d'ailleurs amusant de noter que les députés PS vont plus loin que le projet socialiste, puisque la réforme fiscale prévue pour l'après-2012 prévoit d'infléchir l'assiette d'imposition plutôt que les taux.
Autre signe de sérieux budgétaire affiché par les socialistes, le président PS de la Commission des finances, Jérôme Cahuzac, a cherché à faire adopter un amendement plafonnant à 30% des intérêts d'emprunt des entreprises la déductibilité à l'impôt sur les sociétés (IS). Une disposition similaire à ce qui se fait en Allemagne, et que Cahuzac proposait de «lisser» sur trois ans pour qu'elle ne soit pas trop violente. Selon le Conseil des prélèvements obligatoire, une telle mesure ferait rentrer 11,35 milliards d'euros en trois dans les caisses de l'Etat. Le gouvernement l'a rejetée.
Concernant la partie recettes du budget, les socialistes proposent de les augmenter de 12 milliards d'euros. Ils prônent pour cela un plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros par contribuable (pour les revenus 2011, le plafond actuel est de 18 000 euros par foyer fiscal, majoré de 6% des revenus imposables), la suppression de la niche Copé pour les entreprises comme celle du bouclier fiscal, mais aussi la fin de la détaxation des heures supplémentaires et le retour à l'ancien barème de l'ISF. Ils proposent également de majorer l'impôt sur les sociétés des compagnies pétrolières et leurs maxi profits, ainsi qu'une surtaxation de 10% de celui des banques «lorsqu'elles redistribuent leurs profits au lieu de les garder pour augmenter leurs fonds propres».
L'époque et le contexte ne sont pas aux dépenses somptuaires, chaque camp l'a bien compris. La pression de l'agence Moody's et de ses confrères est dans tous les esprits, à droite comme à gauche. Et si chacun a sa méthode et sa vision de la justice budgétaire et fiscale, PS et UMP affichent au moins un objectif commun : conserver le Aaa français pour que l'Etat puisse continuer à emprunter à un coût raisonnable sur les marchés financiers. Si la croissance n'est pas au rendez-vous ou si la rigueur budgétaire n'est pas assez forte à leur goût, une dégradation de la note française pourrait devenir une réalité. Malheur alors aux politiques qui en seront tenus pour responsables. Le PS le sait parfaitement.
Source : Libération
Commentaires