« La France doit faire face à un certain nombre de défis dans les mois qui viennent », alors que les « marges de manœuvre se réduisent », dixit l'agence.
C'est un document de 18 pages, relativement concis, qui a mis le feu aux poudres. Une « analyse de crédit » dans laquelle Moody's se garde bien de toucher à la note Aaa de la France, la meilleure possible, ou même à la perspective attachée à cette note, qui reste « stable »... pour l'instant. Les auteurs de l'étude prennent bien soin de rappeler en préambule « la solidité de l'économie et des institutions » du pays, « sa capacité à absorber les chocs » ainsi que la « très forte puissance financière de son gouvernement ». Mais ils en viennent rapidement à l'ensemble des paramètres qui se sont détériorés au cours des derniers mois et aux risques qui menacent la note française, compte tenu notamment de l'aggravation de la crise des dettes.
La solidité financière du pays « s'est affaiblie comme c'est le cas pour d'autres pays de la zone euro, car la crise économique et financière dans le monde a conduit à une dégradation de ses ratios d'endettement, qui figurent parmi les plus mauvais de tous les pays notés Aaa », explique Moody's. La dette française représente 86 % du PIB. C'est moins qu'aux Etats-Unis (100 %), mais plus qu'en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Finlande, la moyenne des pays notés Aaa tournant autour de 70 %. La France a aussi le déficit public le plus élevé après les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le record des dépenses publiques après le Danemark et une pression fiscale nettement supérieure à la moyenne des pays notés Aaa.
Surtout, ajoute l'agence, « la France doit faire face à un certain nombre de défis dans les mois qui viennent -par exemple la nécessité d'apporter de nouvelles mesures de soutien à d'autres pays européens ou à son propre système bancaire, ce qui pourrait augmenter significativement ses engagements hors bilan ». Les pays européens se sont engagés à recapitaliser leurs banques selon des modalités qui restent à définir. Le sommet de l'Union européenne, le 23 octobre, pourrait par ailleurs se conclure par un renforcement des moyens du Fonds européen de stabilité financière.
Enfin, indique Moody's, le « gouvernement à moins de marge de manœuvre qu'en 2008 », les élections étant devant nous. Et les scénarios de croissance restent soumis à de nombreux aléas : la tenue de la demande extérieure, les prix des matières premières, les taux d'intérêt. Résultat : les analystes de l'agence se donnent trois mois pour déterminer si la perspective « stable » associée au Aaa français est toujours justifiée. En clair, si des progrès ne sont pas réalisés d'ici là, la perspective pourrait être ramenée à « négative », ce qui serait alors un premier pas vers une dégradation de la France. L'Hexagone bénéficie de la meilleure note de Moody's depuis janvier 1979.
L'« analyse de crédit » publiée hier est signée par Alexander Kockerbeck, un analyste basé à Francfort, vice-président de Moody's, qui suit la France depuis plusieurs années. Mais, insiste l'agence de notation, c'est une note « rédigée collectivement ». Sont ainsi mentionnés comme analyste associé Carlos Ortiz Munoz et comme producteurs associés Amanda Ealla et Judy Torre. D'autres responsables de Moody's à Londres et à New York ont supervisé la note, aucun n'étant Français.
Il est assez inhabituel que les agences préviennent qu'elles vont « surveiller » la perspective associée à une note. Car modifier la perspective constitue déjà une forme d'avertissement avant un éventuel changement de note. Pourquoi de telles précautions ?
« Nous surveillons simplement l'évolution de la situation et nous évaluerons la perspective stable à la lumière de ce que nous observerons, y compris les progrès du gouvernement dans la mise en œuvre des mesures économiques et fiscales qui sont nécessaires, tout en prenant en compte les développements potentiellement négatifs de l'économie et des marchés », explique-t-on chez Moody's.
Source : Les Échos
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