Pour Acteurs publics, l’ancien ministre UMP du Budget Alain Lambert réagit vivement à la mise en garde adressée par François Fillon aux collectivités locales. Le Premier ministre les invitait récemment à mieux maîtriser leurs effectifs sous peine de revoir les transferts financiers de l’État dont elles bénéficient. L’État, répond Alain Lambert, est “le plus mauvais gestionnaire de ressources humaines, matérielles et financières que l’on puisse trouver”.
Je le constate comme président de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), les administrations centrales, par leurs prescriptions incessantes et coûteuses – 450 à 500 textes annuels –, accablent les collectivités de formalités bureaucratiques, d’études, de mises aux normes ruineuses sans aucun progrès pour les citoyens. Le Premier ministre ferait bien de s’inquiéter de savoir qui commande réellement ces administrations pléthoriques dont la production normative est devenue la plus folle du monde. Alors, j’ai peine à croire qu’il ait ainsi menacé de réduire les ressources financières des collectivités locales ! Ce serait sanctionner les victimes et encourager les auteurs. Probablement lui a-t-on transmis de mauvaises informations…
Les effectifs des collectivités locales ont grimpé de 18 % entre 2002 et 2009, selon un récent rapport sur l’évolution de la dépense publique…
Pourquoi regrouper dans un même ensemble tout à la fois départements, régions, communes et intercommunalités ? L’accroissement est très différent selon la nature des compétences. La réforme fiscale, qui a supprimé la taxe professionnelle, a pourtant fait la part belle aux communes et intercommunalités. Comment s’étonner qu’elles embauchent puisque toutes les études démontrent que les dépenses se corrèlent avec les ressources ? Dans le même temps, les départements sont menacés de ruine par les allocations de solidarité, mais on leur a supprimé leurs impôts. Quant aux régions, souvent engagées dans les grandes infrastructures, elles sont financièrement exsangues. De son côté, l’État transfère imperturbablement ses missions tout en conservant ses fonctionnaires au risque d’alimenter une bureaucratie infernale ruineuse pour les citoyens.
Le Premier ministre a proposé “l’aide méthodologique” de l’État aux collectivités locales volontaires. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est l’hôpital qui se moque de la charité. D’abord, l’État est le plus mauvais gestionnaire de ressources humaines, matérielles et financières que l’on puisse trouver. Proposer son aide relève d’une provocation ou d’un humour caustique. Ensuite, il refuse de moderniser la comptabilité locale pour identifier précisément le prescripteur de la dépense et l’imputer à son véritable auteur. Malgré de nombreuses démarches engagées pour cette modernisation, aucune réponse n’a jamais été apportée. L’État ne fait rien pour remédier à l’insuffisance de l’information financière des collectivités.
Faut-il, comme le préconise François Fillon, approfondir la Révision générale des politiques publiques (RGPP) dans les années à venir ?
Cette démarche, engagée une année seulement après la mise en œuvre de la Lolf [loi organique relative aux lois de finances, ndlr], est venue détourner celle-ci de son sens. Au lieu d’être une revue des missions et des programmes, elle s’est bornée à un examen des structures sans vérifier leur pertinence par rapport aux objectifs de politiques publiques. Ce choix méthodologique s’est avéré source de désorganisation et de confusion. Plutôt qu’associer les collectivités locales et la Sécurité sociale dans une vision globale de l’action publique, on a instauré un dispositif piloté d’en haut dans une méconnaissance totale de la France réelle et de ses territoires. Si, comme l’affirme le Premier ministre, la RGPP faisait date dans l’histoire administrative de la France, ce serait malheureusement une date funeste.
Quels sont vos propositions pour tenir la dépense publique ?
C’est assez simple. Il suffit, au sein de toutes les administrations publiques, de transformer la notion d’objectifs en plafonds, de supprimer les crédits évaluatifs et de ne conserver que les limitatifs, y compris pour les politiques à guichets, de stabiliser l’ensemble en euros courants pendant cinq ans et de financer tous les dérapages éventuels par de la fiscalité immédiate. Les habitudes laxistes cesseraient immédiatement.
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Source : Localtis
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